Financium

Trois directeurs financiers récompensés

Publié le 12 décembre 2014 à 17h13

Arnaud Lefebvre et Valérie Nau

Pour sa douzième édition, Financium, organisé par l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), en partenariat avec Option Finance, a décidé d’innover. Outre la remise traditionnelle du prix du directeur financier de l’année, le jury a choisi de récompenser cette année deux autres responsables financiers pour leur action, l’un pour le pilotage financier dans un contexte de crise et de changement majeur de régulation, l’autre pour le travail d’accompagnement à la transformation de l’entreprise.

En primant Bernard Delpit, la douzième édition de Financium s’est achevée sur un résultat inédit. C’est en effet la première fois que le directeur financier d’une banque s’est vu remettre une récompense dans le cadre de cet événement ! «Les banques étant au cœur de la crise depuis 2008 et jouant un rôle moteur dans le financement de l’économie, les défis ont été considérables pour la fonction finance groupe depuis trois ans, témoigne Bernard Delpit, directeur financier de

Crédit Agricole SA : renforcement de la solidité financière, impact de Bâle 3, gestion de la liquidité, stress tests et AQR, rationalisation du portefeuille. La gestion actif/passif est elle aussi un défi quand on affiche un total de bilan de 1 700 milliards d’euros.» Le règlement de la crise souveraine dans la zone euro et la sortie de la banque du marché grec – opérée entre 2011 et 2013 avec la cession d’Emporiki –, de même que la préparation de l’établissement au nouveau cadre prudentiel Bâle 3 figurent ainsi parmi les réalisations saluées. Le travail des équipes financières de Crédit Agricole SA effectué dans le cadre de la revue des bilans et des tests de résistance conduits cette année par la BCE a, lui aussi, été récompensé.

Maintenir le cap dans la crise

Primé pour son pilotage dans un contexte de crise, Pierre-Jean Sivignon, directeur exécutif finances et gestion de Carrefour, peut s’appuyer sur la progression boursière enregistrée par le cours de Carrefour depuis son arrivée dans le groupe en 2011 (+ 30 % environ) pour attester du redressement groupe. «A l’époque, la notation de la société s’établissait à un niveau peu confortable (BBB, avec perspective négative), rappelle-t-il. Nous avons donc mis en place avec mes équipes une discipline financière stricte.» Grâce notamment à des cessions de participations dans des pays ou des actifs non stratégiques, la dette de Carrefour a diminué de près de 40 % sur la période, passant d’environ 8 milliards d’euros à 5 milliards – pour sa part, le chiffre d’affaires sous enseignes a augmenté, passant de 90 milliards en 2011 à 100 milliards à fin 2013 –, permettant au distributeur de voir son rating relevé d’un cran. L’autre chantier récompensé porte sur la stratégie déployée vis-à-vis des actionnaires. «Nous avons souhaité clarifier notre politique de dividendes et versons, depuis 2012, 45 % de notre résultat net ajusté des éléments exceptionnels sous la forme de dividendes», signale Pierre-Jean Sivignon. En outre, la communication financière du groupe a également été optimisée, ce qui a notamment permis de publier les derniers résultats semestriels avec un mois d’avance par rapport à la pratique jusqu’alors en vigueur. «En la matière, nous avons rallié les bons élèves du CAC 40», précise Pierre-Jean Sivignon.

Jouer un rôle majeur dans la transformation de son groupe

La transformation d’Accor, Sophie Stabile, directrice générale finances du groupe, est bien placée pour en parler ! Nommée au moment de la scission avec Edenred en 2010, elle a connu quatre présidents en quatre ans… de quoi tester sa capacité d’adaptation et celle de ses équipes ! Dotée d’un champ d’intervention large (voir encadré), les chantiers qu’elle a eu à gérer ont été soutenus. Parmi les principaux figurent la cession de Motel 6 en mai 2012, la négociation au cours de 2014 de plus de 4 milliards de financements, soit la moitié de la capitalisation boursière d’Accor, des opérations d’asset management avec l’acquisition de 110 hôtels ou encore tout récemment l’accompagnement du plan digital du groupe. Des projets qui nécessitent une bonne interaction avec tous les départements du groupe : «La direction financière est celle qui peut le moins travailler en autarcie ! assure Sophie Stabile. Nous sommes ainsi beaucoup intervenus sur de gros chantiers transversaux, comme la refonte du système de redevances avec nos franchisés partout dans le monde.» Mais l’une de ses grandes fiertés reste que la direction financière soit souvent citée en exemple au sein du groupe pour la gestion de ses ressources humaines. «Nous avons bâti à l’international un réseau de financiers très compétents. Je connais les directeurs financiers de tous les pays car la plupart ont travaillé en central. Cela permet d’échanger et de travailler plus facilement à l’amélioration de notre activité.»

Anticiper les enjeux du métier

Quelle que soit l’activité de leur entreprise, les enjeux réglementaires sont devenus incontournables pour les directeurs financiers, en particulier dans l’univers bancaire. «Entre le développement de l’Union bancaire et la mise en place de nouveaux ratios, les défis à venir restent nombreux», témoigne Bernard Delpit. Pour les mener à bien, les directeurs financiers d’institutions bancaires vont plus que jamais occuper une place centrale. «Aujourd’hui, notre principale mission consiste à allouer de manière optimale deux ressources qui sont devenues rares avec la crise : le capital et la liquidité», rappelle Bernard Delpit.

Une situation qui place le responsable de la fonction finance au cœur d’un grand nombre de débats, tandis que son poids se renforce vis-à-vis notamment du conseil d’administration et des investisseurs. «Le directeur financier doit être pro-actif : c’est dorénavant un acteur clé de la stratégie du groupe, qui est impliqué dans tous les grands changements de ce dernier, affirme Sophie Stabile. Il doit s’investir sur des sujets qui dépassent le seul cadre financier, et participer en amont à la réflexion avec tous les membres du Comex. Pour la mise en œuvre du plan digital, par exemple, qui représente un investissement de 225 millions d’euros, la direction financière joue un rôle de contrôle mais doit aussi pouvoir proposer des solutions.»

Devenu plus exigeant que dans le passé, le rôle du directeur financier est appelé à le rester durablement. «Aujourd’hui, le monde est plus risqué, ce qui implique, pour notre profession, de maîtriser parfaitement les fondamentaux du commerce, insiste Pierre-Jean Sivignon. A défaut d’une telle connaissance, il est désormais impossible de mener efficacement notre tâche.» Dans ce cadre, les compétences nécessaires pour diriger les équipes deviennent elles aussi primordiales, compte tenu de prérogatives à gérer de plus en plus diverses et techniques.

Prix du pilotage financier dans un contexte de crise et de changement majeur de régulation

Enarque, diplômé de l’IEP Paris et licencié en droit, Bernard Delpit débute son parcours en 1990 à l’Inspection générale des finances, avant d’occuper diverses fonctions au sein de la direction du Budget du ministère de l’Economie et des Finances. En 2000, il rejoint le groupe PSA Peugeot Citroën, où il devient directeur général adjoint de Dongfeng Peugeot Citroën Automobiles en Chine, puis, en 2004, directeur du contrôle de gestion de PSA Peugeot Citroën. En mai 2007, il intègre le cabinet du président de la République comme conseiller pour les finances publiques et la fiscalité, avant d’être nommé conseiller économique. En juin 2009, il prend la tête de la direction financière du groupe La Poste. Il occupe ses fonctions actuelles depuis août 2011.

Prix pour le travail d’accompagnement à la transformation de l’entreprise

Diplômée de l’Ecole supérieure de gestion et finances, Sophie Stabile, 44 ans, connaît parfaitement bien les rouages du groupe Accor puisqu’elle y a accompli une grande partie de sa carrière. Après avoir débuté chez Deloitte, elle rejoint le groupe hôtelier en 1999 comme responsable de la direction de la consolidation et du système d’information groupe. En 2006, elle est nommée contrôleur général groupe, ce qui lui permet de superviser la consolidation, les directions financières internationales et les directions du contrôle financier, de l’audit interne, de la holding et des back-offices financiers. En mai 2010, elle est nommée directrice financière et élargit son périmètre d’intervention à la communication financière, à la trésorerie et financements, à la fiscalité, puis, en 2013, aux achats.

Prix du directeur financier de l’année 2014

Diplômé de l’Essec, Pierre-Jean Sivignon commence sa carrière, en 1979, comme auditeur externe chez Peat Marwick Mitchell. Trois ans plus tard, il rejoint Schlumberger Limited, où il occupe différentes fonctions financières et opérationnelles en France et à l’étranger, dont celle de trésorier du groupe à New York et à Paris. En 2001, il est recruté par Faurecia en qualité de directeur financier, avant de devenir, quatre ans plus tard, directeur financier et vice-président exécutif de Royal Philips Electronics, à Amsterdam. Il a intégré Carrefour en août 2011 comme directeur exécutif finances et gestion. L’année dernière, son périmètre a été étendu à la supervision des activités du groupe en Europe du Sud, de Carrefour Espagne et de Carrefour Italie.

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