La forte vulnérabilité climatique des pays en voie de développement ainsi que leurs grandes difficultés à rembourser leurs dettes constituent une menace pour la stabilité financière mondiale. Toutefois, on assiste à une forte poussée de la part des institutions financières internationales mais également des acteurs privés pour introduire la nature et le climat dans la dette souveraine émergente.
Des financements encore très insuffisants au niveau mondial
Atteindre l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris (ainsi que les objectifs d’adaptation) nécessite entre 3000 et 6000 milliards de dollars par an jusqu’en 2050 (d’après Mobilizing Private Climate Financing in Emerging Market and Developing Economies, FMI, 27 juillet 2022) alors que le niveau des investissements actuels n’est que de 632 milliards de dollars. En outre, les investissements dans les pays en voie de développement doivent être multipliés par 4 ou 8 d’ici 2030. Les montants évoqués lors de la COP 27 sont également très loin de ces objectifs. En effet, les Nations Unies ont promis un plan de 3,1 milliards de dollars afin de renforcer la capacité des pays à se préparer aux conditions météorologiques dangereuses. Le V20 (le club des pays les plus vulnérables au changement climatique) et le G7 ont également lancé le « bouclier mondial contre les risques climatiques », l’Allemagne y participe à hauteur de 170 millions d’euros (179 millions de dollars). On reste donc encore très loin des besoins de financement nécessaires pour atteindre l’objectif, alors qu’il y a urgence, notamment pour les pays pauvres.
Une triple crise pour les pays pauvres
Crise climatique…
Les pays pauvres sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Le graphique ci-dessous montre la vulnérabilité climatique en fonction du niveau de revenu du pays. Nous prenons tous les indices Notre Dame Adaptation Initiative de vulnérabilité climatique (ND) disponibles et nous classons les pays en fonction de leur niveau de revenu d’après la classification de la Banque mondiale. Plus l’indice ND est élevé, plus la vulnérabilité climatique des pays l’est également.
Les pays à revenu élevé (et souvent les plus pollueurs…) sont ceux qui sont les moins vulnérables au changement climatique avec un indice ND inférieur à 0,35. On retrouve les pays à faible revenu à partir d’un indice supérieur à 0,5, caractéristique d’une vulnérabilité climatique élevée.
…Et crise du Covid-19 et de la dette
Les pays à faible revenu sont également souvent ceux qui n’ont pas la capacité d’investir à cause de leur niveau élevé d’endettement. La Covid19, le resserrement agressif de la politique monétaire de la Fed et la guerre en Ukraine ont exacerbé la position budgétaire de nombreux pays en voie de développement. Le graphique ci-dessous classe les 59 pays les plus vulnérables selon le Fond Monétaire International, en fonction du risque de crise budgétaire.
34 pays sur les 59 pays les plus vulnérables sont ainsi en risque élevé de crise budgétaire mais ne représentent que 0,5 % des émissions mondiales de carbone ! Le climat et les problèmes de soutenabilité de la dette sont donc corrélés, mais n’ont pas nécessairement de lien de causalité. Cela met simplement en évidence que de nombreux pays en voie de développement ayant déjà un historique de vulnérabilité de la dette sont également ceux qui sont les plus vulnérables au changement climatique. Plusieurs pays n’ont également plus accès aux marchés des capitaux pour se financer. Le graphique ci-dessous montre les pays dont la prime de risque est supérieure à 1000 pdb dans l’indice JPM EMBIGD (dette libellée en dollar).