Je suis tombé sur un rapport publié par le gouvernement australien en 1973, intitulé "Croissance économique : en vaut-elle la peine?". La réponse des auteurs à cette question : absolument ! Il y a peut-être eu quelques radicaux qui ont soutenu que la croissance cause le réchauffement climatique, la pollution et d'autres problèmes, mais nous serions sans aucun doute en mesure de trouver une solution.
C'était il y a près de 50 ans. Six des neuf limites de notre planète ont maintenant été franchies. Il n'y a aucune perspective de chemin qui ramènerait notre économie dans ces limites. Et il y a encore des économistes et des décideurs politiques qui croient que la croissance économique peut se poursuivre de manière verte.
Cette conviction se fonde sur de beaux plans qui ne sont pas mis en œuvre dans la pratique et sur des hypothèses théoriques qui s'avèrent.
Ces beaux plans sont censés garantir la prise en compte des coûts réels des activités économiques. Que la pollution et les émissions soient taxées, que la réglementation soit améliorée, que des normes soient fixées, etc. Ils existent depuis des décennies, mais dans la pratique, il s'avère impossible de les mettre en œuvre. Le succès des lobbys et la réticence des hommes et femmes politiques à agir, mettent un terme à toutes ces ambitions de manière très efficace.
Et puis nous avons toutes ces hypothèses théoriques qui s'avèrent incorrectes dans la pratique. En plus de la confiance absolue (non prouvée) mais infatigable dans les solutions technologiques, il existe deux principales “fausses” hypothèses. La première est que nous sommes capables de prendre des décisions rationnelles concernant l'avenir. Mais en pratique cela s'avère impossible. Les marchés financiers n'anticipent pas plus de six ans au maximum, tant les difficultés qui nous attendent n'ont pas encore été prises en compte. Résultat : nous consommons et produisons trop bon marché, au détriment de l'avenir.
La deuxième grande erreur est celle des options de remplacement sans fin. Dans nos calculs de croissance, si les ressources naturelles se raréfient, tout peut être remplacé, par exemple, par du capital. En théorie, il n'y a pratiquement aucune limite au capital. Mais en pratique il y en a. Même le navire de pêche le plus sophistiqué ne peut pas pêcher dans une mer vide de ressources.
Si les hypothèses et les solutions théoriques échouent dans la pratique, il est temps de sortir du palais des miroirs et d'accepter les limites strictes et les lois de la nature. Bien sûr, ce serait formidable si la croissance pouvait se poursuivre. Nous n'aurions alors plus à nous soucier de l'avenir de notre État-providence ou de la façon dont nous allons payer pour plus de durabilité. Mais comme le disait l'économiste Milton Friedman en 1975: Il n'y a pas de repas gratuit. C'est inconfortable mais vrai : il n'y a pas non plus de croissance verte. Il est tentant d'espérer, mais pervers de présenter cela comme une possibilité scientifiquement prouvé. La réduction de la croissance “brune”, commençons par ça pour le moment.