Tout ce qui est bénéfique pour le climat ne l’est pas automatiquement pour nous ou pour les écosystèmes naturels qui nous entourent. Même s’il s’agit d’équations compliquées, comprendre les interactions entre dégradation de l’environnement et économie est indispensable pour élaborer des politiques climatiques résilientes. Retrouvez l’analyse d’Olivier Boucher, membre du conseil scientifique du Fonds AXA pour la Recherche et directeur de recherche au CNRS.
Durant la pandémie de COVID-19, on a pu observer une diminution spectaculaire des émissions de polluants atmosphériques. Les mesures de confinement ont eu des effets positifs immédiats en termes d’amélioration de la qualité de l’air, de réduction des polluants à courte durée de vie dans l’atmosphère et de retour de la faune dans certaines régions. Il est intéressant de noter que les matières particulaires, les fines particules en suspension dans l’atmosphère, semblent avoir diminué moins que prévu. Si le trafic et l’industrie ont ralenti en raison du confinement, l’activité s’est poursuivie dans le secteur agricole. Cela signifie que nous sous-estimons peut-être l’impact global de l’agriculture sur certains polluants tels que les matières particulaires, tout au moins sous le climat printanier ensoleillé que nous avons connu durant la période de confinement en Europe.
« Il serait extrêmement utile de comprendre les interactions entre dégradation de l’environnement et économie pour élaborer des politiques climatiques résilientes. »
À plus long terme, les mesures de confinement auront peu d’effet sur le climat. Le dioxyde de carbone est un gaz qui reste longtemps dans l’atmosphère. Il aurait fallu que le confinement soit maintenu sur une période beaucoup plus longue pour apporter un changement quantifiable. Cela étant, la crise de la COVID-19 présente une occasion indéniable pour les sciences du climat. Dans le domaine de la recherche, il nous manque souvent ce qu’on appelle un monde contrefactuel, c’est-à-dire une vision du monde sans activité humaine ni émissions de CO2. Les modèles nous permettent de supprimer l’influence humaine et de construire ce monde contrefactuel, mais ils ont leurs limites. Grâce au confinement, nous avons pu observer un monde dans lequel l’activité humaine était nettement moins intense. Dans la plupart des pays, le confinement a duré plusieurs mois. Il s’agit d’une période suffisamment longue pour tirer des conclusions sur nos interactions, en tant qu’êtres humains, avec l’environnement. Au-delà des changements observés au niveau des polluants atmosphériques que nous avons déjà évoqués, il est probable que le ralentissement économique actuel aura un impact sur l’exploitation des ressources naturelles dans les pays pauvres. Il serait extrêmement utile de comprendre les interactions entre dégradation de l’environnement et économie pour élaborer des politiques climatiques résilientes.
Sur la question de la santé, il existe des synergies manifestes avec les politiques de lutte contre le changement climatique dont nous devrions profiter. Réduire les émissions de gaz à effet de serre contribuerait également à protéger la biodiversité et à renforcer notre propre santé. Le confinement a mis en évidence une corrélation entre la réduction des émissions de CO2 et l’amélioration de la qualité de l’air, un bienfait pour les personnes souffrant de maladies respiratoires. L’alimentation est un autre exemple : consommer moins de protéines animales et davantage de fruits, de légumes ou de légumineuses serait non seulement bénéfique pour l’environnement, mais aussi pour la santé humaine.