Un récent avis rendu par le Comité de l’abus de droit fiscal en sa séance du 6 mars 2015 illustre l’utilisation de l’abus de droit par l’administration fiscale pour remettre en cause certaines opérations visant à recapitaliser des sociétés en vue de limiter la déduction des intérêts versés à des entreprises liées1.
Par Antoine Colonna d’Istria, avocat associé, Freshfields Bruckhaus Deringer
La société mère d’un groupe fiscalement intégré composé de nombreuses sociétés filiales avait procédé pendant plusieurs années à des acquisitions financées par des emprunts auprès des sociétés étrangères appartenant à son groupe américain. Elle avait notamment réalisé au cours des exercices 2006, 2007 et 2010 plusieurs opérations ayant permis de constater des produits comptables sous forme de distributions de dividendes ou de primes d’émission, sans aucune conséquence fiscale par application du régime des sociétés mères et filiales et du régime de l’intégration fiscale. La comptabilisation de ces produits financiers et leur incorporation au capital des sociétés du groupe avaient permis de recapitaliser celles-ci et ainsi d’augmenter le montant des charges financières déductibles du groupe.
Le Comité a distingué les opérations intervenues pendant la période intercalaire comprise entre la publication de la loi prévoyant les nouvelles dispositions de l’article 212 II du Code général des impôts, et le premier exercice de leur application par la société, des opérations intervenues au cours de l’exercice 2010. Pour les opérations réalisées en 2006 et 2007, destinées mécaniquement à augmenter les capitaux propres des sociétés distributrices par un réinvestissement dans leurs capitaux propres des distributions de dividendes exonérées sans générer aucun flux financier, le Comité a refusé de suivre l’administration qui voyait dans ces incorporations de capital le seul but de satisfaire formellement et non réellement aux conditions prévues par le législateur lors de l’adoption des dispositions du II de l’article 212 du CGI.