Quel est le juge territorialement compétent pour connaître d’une action en responsabilité délictuelle diligentée par des investisseurs français à l’encontre d’une banque anglaise teneur des comptes sur lesquels les fonds remis ont été détournés par leur dépositaire ? C’est à cette question que vient de répondre la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 19 novembre 2014 n° 13-16689).
Par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
L’article 5-3 de la Convention de Bruxelles de 1968 applicable à l’époque des faits (remplacé aujourd’hui en des termes quasi-identiques par l’article 5-3 du Règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale) prévoit que le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit (ou depuis Bruxelles I, risque de se produire).
De longue date, la Cour de justice de l’Union européenne considère que le lieu du fait dommageable doit s’entendre :
– soit du lieu où le dommage est survenu ;
– soit du lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage.
En l’espèce, des particuliers résidant en Polynésie française avaient souscrit, à partir de la fin des années 1990, des contrats de placements financiers proposés par une société de droit américain. Les fonds à placer avaient été versés, soit par virements, soit par chèques sur les comptes ouverts par la société américaine auprès de la banque ayant son siège à Londres. Or, le dirigeant de cette société avait détourné à son profit les fonds qui n’avaient donc jamais été placés. A ce titre, il avait été condamné pour escroquerie par le tribunal correctionnel de Marseille.
Estimant que la réalisation de cette infraction avait été facilitée par un manquement de la banque à son obligation de vigilance à l’égard de la société américaine et de son dirigeant, caractérisé par l’absence de vérification sérieuse lors de l’ouverture des comptes litigieux puis lors de leur fonctionnement, les investisseurs victimes de l’escroquerie l’avaient assignée en responsabilité pour obtenir réparation de leur préjudice (perte des fonds versés et perte d’une chance de percevoir la rémunération de leurs placements).