La flambée des prix de l’énergie, des matières premières et des transports dans le contexte de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine pèse lourdement sur les acteurs économiques. Nombreuses sont les entreprises qui s’interrogent légitimement sur les outils juridiques à leur disposition pour y faire face. Une récente décision du tribunal de commerce de Paris est venue confirmer que la théorie de l’imprévision codifiée à l’article 1195 du Code civil peut trouver application dans le contexte actuel sous certaines conditions.
1. La théorie de l’imprévision : un outil juridique utile sous conditions
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a introduit la théorie de l’imprévision dans notre Code civil, concrétisant en cela un changement perçu comme majeur.
Ce mécanisme, désormais prévu à l’article 1195 du Code civil, offre la possibilité de solliciter auprès de son cocontractant la renégociation d’un contrat dans le cas où un « changement de circonstances imprévisible » lors de la conclusion du contrat rend son « exécution excessivement onéreuse ». En cas de refus, ou si les négociations échouent, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut, le juge peut, à la demande d’une seule partie, réviser le contrat ou y mettre fin.
L’objectif de « justice contractuelle » des rédacteurs était clair : en codifiant la théorie de l’imprévision il s’agissait d’offrir aux entreprises un outil juridique permettant de lutter contre des déséquilibres contractuels majeurs survenant en cours d’exécution1.
Dans le contexte actuel, l’article 1195 est très régulièrement invoqué. Qui pouvait en effet prédire la survenance de la crise sanitaire et, successivement, le début de la guerre en Ukraine avec leurs conséquences ? Dans les faits, la flambée des prix de l’énergie, des matières premières et des transports a par ailleurs eu pour effet de rendre l’exécution de nombreux contrats excessivement onéreuse. Beaucoup d’acteurs économiques ont donc récemment adapté les termes de leurs accords en ayant en tête les conditions de l’imprévision.
Très peu de décisions judiciaires ont cependant été rendues au visa de l’article 1195 du Code civil, ce qui offre peu de visibilité sur l’application de ce texte par les juges et complexifie parfois les tentatives de renégociation entre les parties.