Une récente décision de la cour administrative d’appel de Nantes offre l’occasion de se pencher sur les conséquences à tirer du manquement, par une société holding, de ses obligations déclaratives dans le cadre d’une opération d’apport-cession. La cour tranche en faveur du contribuable mais dans un contexte qui laisse ouvertes certaines questions.
Le mécanisme de l’apport-cession est bien connu en ce qui concerne ses conditions de fond, notamment l’obligation du remploi du produit de cession : celui-ci doit intervenir dans un délai de deux ans suivant la vente, et porter sur au moins 60 % du produit de celle-ci.
Le formalisme qui s’attache à ces opérations, notamment au niveau de la société holding, est en revanche parfois négligé par les contribuables, ce qui peut fragiliser le maintien du report d’imposition de la plus-value.
Dans l’affaire ici commentée, un contribuable avait apporté le 23 juillet 2013 à une SASU dénommée TST les titres qu’il détenait dans la société ISONORM ; la plus-value d’apport avait été placée en report d’imposition.
La société TST avait revendu ces titres en avril et novembre 2015, soit moins de trois ans après l’apport.
Le contribuable s’était efforcé de remployer le produit de cession dans une activité éligible, mais sans y être parfaitement parvenu à l’issue du délai de deux ans, soit en 2017.
A l’occasion d’un contrôle, l’administration fiscale a remis en cause le maintien du report d’imposition, non pas au titre de l’année 2017, mais de l’année 2015.
Elle se fondait sur la circonstance que la société TST n’avait jamais, formellement, pris l’engagement de réinvestir une quote-part du produit de cession, alors qu’il s’agit d’une condition expressément prévue par l’article 150-0 B ter du CGI selon lequel « il n’est pas mis fin au report d’imposition lorsque la société [...] cède les titres dans un délai de trois ans et prend l’engagement d’investir le produit de leur cession […] »
Le contribuable conteste ces rappels d’imposition, considérant que si manquement il y avait, cela ne pouvait être qu’au titre du remploi, apprécié à l’expiration du délai de deux ans prévu par la loi. Le tribunal administratif a cependant rejeté ses prétentions.
Saisie en appel, la cour de Nantes annule ce jugement, et fait droit aux prétentions du contribuable.
Elle relève, conformément au VI de l’article 150-0 B ter, que les obligations déclaratives à la charge de la société devaient être fixées par décret.
Or, celui-ci n’a été publié que le 22 février 2016, postérieurement à la cession en cause (2015).
La Cour en déduit que « la société TST n’était assujettie à aucune obligation déclarative conditionnant son éligibilité au régime du report d’imposition au titre de l’année 2015 ».
Cette conclusion n’allait pas de soi, étant donné que l’attestation de remploi doit être déposée par la société à l’appui de sa liasse fiscale de l’année de survenance de la vente soit, donc, en avril ou en mai 2016 (pour l’exercice 2015), date à laquelle le décret avait été publié.