Les associés peuvent déroger aux statuts de leur société par un acte unanime postérieur aux statuts. Une décision récente rendue concernant une SARL, et dont l’application pourrait être similaire dans les autres formes de sociétés commerciales (SAS et SA notamment), vient conforter la force grandissante des actes extrastatutaires1, 2.
Par Benoît Charrière-Bournazel, associé, DS Avocats
Les faits sont relativement classiques. Un gérant démissionnaire de SARL est autorisé par un protocole d’accord signé par tous les associés à créer une nouvelle société exerçant une activité concurrente de celle de la SARL, malgré une clause des statuts imposant une obligation de non-concurrence.
La société elle-même assigne son ancien gérant et sa nouvelle société aux fins de cessation de l’activité exercée illicitement par cette dernière, en se prévalant des statuts et en invoquant la nullité du protocole d’accord.
Les juges du fond accueillent favorablement cette demande, déclarant nul le protocole d’accord considéré comme contraire aux modalités de prise de décision prévues dans les statuts ; l’autorisation donnée au gérant démissionnaire d’exercer une activité concurrente de celle de la SARL aurait dû résulter d’une modification des statuts aux conditions de majorité légales.
En 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse et annule cette décision, permettant qu’une décision prise unanimement par les associés puisse déroger aux statuts3.
L’affaire est alors renvoyée devant une cour d’appel qui rend un arrêt conforme à la solution de la Cour de cassation4. C’est cet arrêt qui faisait l’objet d’un pourvoi. Comme le jour même de la signature du protocole d’accord, l’ancien gérant avait cédé une partie de ses parts à un tiers qui n’avait pas consenti à cette dérogation, la société contestait l’existence d’un consentement unanime des associés.
Le pourvoi est rejeté fermement par la Cour de cassation dans son arrêt du 29 janvier 20205 : les associés d’une société peuvent déroger à une clause des statuts et s’en affranchir par l’établissement d’actes postérieurs, valables dès lors que tous les associés y consentent. Par ailleurs, «bien qu’il fût contraire aux statuts, le protocole d’accord litigieux s’imposait à la société».