Alors que l’engouement pour les cryptomonnaies, et en particulier les « bitcoins », a pris une ampleur considérable ces dernières années, le Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre l’instruction qui en commente le régime fiscal, a été amené à en revoir substantiellement les termes dans une décision rendue le 26 avril 20181. Il s’est fondé sur la distinction entre une activité exercée à titre professionnel ou occasionnel.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Preuve que la cryptomonnaie faisait partie de ces «OVNIs» fiscaux, l’administration fiscale avait analysé le régime d’imposition des gains en résultant de façon assez originale2. C’est ainsi que, par principe, ces gains étaient taxables comme des bénéfices non commerciaux, le fisc les rattachant à la catégorie «balais» des activités lucratives prévues à l’article 92 du CGI. En revanche, si l’activité d’acquisition et de revente de « bitcoins » est exercée de façon habituelle, l’administration précisait qu’elle relève alors de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Ainsi, le fisc introduisait déjà une différence fondamentale entre l’exercice à titre professionnel ou non d’une activité d’achat et de revente de «bitcoins». Mais le régime d’imposition afférent à chaque catégorie (BNC et BIC) ne comporte pas de réelles différences, les gains étant dans chaque cas imposables au barème progressif de l’impôt sur le revenu. C’est probablement pourquoi, jusqu’à présent, les contentieux se sont faits rares sur ce sujet.
Le Conseil d’Etat a remis en cause cette distinction dans sa décision susvisée. Rappelant que les «bitcoins» sont au regard du droit civil des biens meubles, il juge que le gain réalisé sur leur vente doit par principe relever du régime des plus-value portant sur des biens de cette nature. Ce faisant, la plus-value, éventuellement diminuée de l’abattement légal pour durée de détention, est taxable au taux forfaitaire de 19%,ce qui, dans bon nombre de cas, sera plus favorable que le barème progressif de l’impôt sur le revenu.