Ou comment des associés majoritaires ayant cherché à diluer l’associé minoritaire dans le cadre de l’apport d’un fonds de commerce à la société dont ils sont associés ont vu leur opération qualifiée de frauduleuse.
Par Arnaud Langlais, avocat associé, DS Avocats
Dans le cadre du règlement d’une succession, les héritiers d’une entreprise de production et de commercialisation de rhum et d’un fonds de commerce de distribution de spiritueux ont prévu une répartition des actions de la société et du fonds de commerce entre eux aux termes d’un protocole d’accord.
En application de ce dernier, celui des héritiers à qui le fonds de commerce avait été attribué devait le céder ou l’apporter à la société ou à une société qui détiendrait les actions de cette dernière.
C’est ainsi que l’assemblée générale extraordinaire du 6 juillet 2006 a approuvé l’apport du fonds de commerce à la société et décidé d’émettre 2 803 actions nouvelles en rémunération de celui-ci.
L’associé minoritaire qui n’avait pas assisté à l’assemblée générale est décédé huit mois plus tard, laissant pour lui succéder trois héritières dont l’une d’elles a considéré que l’apport avait été réalisé en fraude des droits de la défunte du fait de la minoration volontaire de la valeur de la société utilisée pour déterminer le nombre d’actions à émettre.
La cour d’appel a rejeté la demande au motif qu’il n’était pas démontré que «la décision d’approbation a été prise contrairement à l’intérêt général de la société» et ne retient pas l’argument selon lequel l’opération de dilution était contraire à l’intérêt commun des associés.
La Cour de cassation, au contraire, considère, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et du principe selon lequel la fraude corrompt tout, que la cour d’appel aurait dû rechercher si l’apport orchestré par les majoritaires n’avait pas conduit, du fait de la sous-évaluation de la société et de l’octroi corrélatif d’un trop grand nombre d’actions, à une manœuvre frauduleuse dont l’objectif était de priver illégitimement l’associé minoritaire d’une partie de ses droits en diminuant sa participation au capital de la société.