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« Bad leavers » et « management packages » : une jurisprudence claire-obscure, des clauses scrutées à la loupe

Publié le 30 avril 2024 à 8h30

DS Avocats    Temps de lecture 8 minutes

Après deux années exceptionnelles en 2021 et 2022 pendant lesquelles les levées de fonds par les start-up françaises avaient respectivement atteint 15 et 13 milliards d’euros, ce ne sont que 8 milliards qui ont été levés en 2023, faisant apparaître une chute de près de 50 %. La crise mondiale de la tech et les valorisations en berne ont causé un sérieux coup de blues aux start-uppeurs. Dans ce contexte beaucoup plus tendu, certains d’entre eux ont opté pour de nouveaux choix de vie ou ont été poussés vers la sortie et remplacés par des « chief operating officers » recrutés par les fonds pour serrer les boulons. Les clauses dites de « bad leaver », qui sous l’influence anglo-saxonne avaient parfois été considérablement durcies, ont été relues à la loupe, d’autant plus que la jurisprudence du 13 juillet 2021 requalifiant certains management packages en revenus salariaux fragilise l’ensemble du dispositif.

Par Bernard Tézé, associé, et Julia Folgoas, collaboratrice senior, DS Avocats

1. Des mécanismes au cœur des levées de fonds

La place centrale de ces clauses dans les levées de fonds (i) et leur traitement dans la jurisprudence française (ii) commandent une évolution dans la rédaction de ces clauses (iii).

Les clauses de bad leaver prennent la forme d’une promesse unilatérale de vente, dans le cadre d’un pacte d’actionnaires, par laquelle le salarié ou le fondateur promet à un autre associé (le fonds, généralement majoritaire) de céder ses titres suite à son départ de la société. Les conditions financières de cession sont plus ou moins dégradées selon le motif du départ (démission, révocation, licenciement, faute, maladie, décès…). L’objectif est de dissuader les départs précipités des personnes-clés et ainsi de limiter la perte de valeur de la société. Ces promesses font partie d’un ensemble de dispositifs mis en place, le plus souvent, lors de levée de fonds, visant à « aligner les intérêts » et à accorder des avantages aux dirigeants et aux managers clés afin de les intéresser aux résultats de la société (via BSA, actions gratuites, etc.).

Si la grande majorité des fondateurs de start-up ne sont pas familiers de ces mécanismes lors des premières levées de fonds en « love money », ils prennent rapidement conscience, lors des négociations avec les fonds, de leur importance au regard du risque financier encouru en cas de départ. La détermination des cas de bad leaver fait souvent l’objet de négociations houleuses, surtout lors de licenciements.

Spectre classique des opérations de levée de fonds depuis une vingtaine d’années, ces clauses donnent lieu à de multiples décisions fragilisant la construction des management packages.

2. Clair-obscur de la jurisprudence en matière de bad leaver et de management packages

La validité des clauses de bad leaver et des management packages a été mise à mal depuis une quinzaine d’années par la jurisprudence sociale et fiscale.

Sur le volet social, les clauses de bad leaver ont pu être perçues comme une double sanction pour les associés salariés concernés. Or en droit social, les sanctions pécuniaires sont interdites (art. L. 1331-2 du Code du travail), toute...

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