L’application restrictive des clauses de préemption par la jurisprudence impose une rigueur exemplaire dans la rédaction de ce mécanisme statutaire ou pacté.
Par Jérôme Lombard-Platet, avocat associé, DS Avocats
Une récente décision vient rappeler combien le candidat acquéreur de droits sociaux, objet d’une préemption, est soumis aux règles du jeu fixées par les associés.
En l’espèce, deux sociétés de groupes industriels avaient créé une joint-venture, en se conférant un droit de préemption statutaire réciproque sur les titres de la filiale commune en cas de cession. La notification devait mentionner le projet de cession, le nom de l’acquéreur, le nombre d’actions et le prix. En juin 2010, un des associés notifiait son intention de céder ses actions à un tiers pour 10 millions d’euros. L'autre associé exerçait son droit de préemption conformément aux statuts au même prix. Le contrat de cession fixait l’engagement de cession mais retardait le transfert de propriété de six mois. L’acquéreur évincé considérant que ce transfert différé constituait «une violation du mécanisme de préemption», saisissait le tribunal de commerce pour voir autoriser la cession à son profit des actions de la filiale et réclamait des dommages intérêts.
La cour d’appel de Paris, infirmant la surprenante décision des premiers juges, rejetait les demandes du tiers acquéreur, estimant qu’il n’avait pas qualité pour agir en nullité de la préemption et jugeait, pour le surplus, son droit à indemnisation infondé.
Cette espèce rappelle que la clause de préemption statutaire lie uniquement les associés de la société et que tout tiers ne peut se prévaloir d’un manquement par un associé de ces stipulations. Le caractère public des statuts (qui parfois conduit à y insérer la préemption pour informer les tiers et donner à l’engagement une portée supérieure) ne change rien à...