Par deux décisions en date du 3 décembre dernier1, le Conseil d’Etat apporte d’importantes précisions au régime fiscal des plus-values placées en report d’imposition.
Par Eric Ginter, avocat associé, cabinet Hoche, chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphin.
Ces deux arrêts sont susceptibles de trouver à s’appliquer tant au régime du report qui a été supprimé à compter de 2001 qu’à celui qui a été réintroduit par le législateur à l’article 150-0B ter du CGI.
Dans les deux affaires qui étaient portées devant lui, les contribuables avaient procédé à un échange de titres entre deux sociétés françaises dans les années 1990. Cet échange avait été neutralisé fiscalement par application de l’article 92B du CGI alors en vigueur, permettant de reporter l’imposition de la plus-value dégagée à l’occasion de cet échange.
Ultérieurement, les contribuables avaient cédé une partie des titres reçus lors de l’échange, ce qui, selon l’administration, devait entraîner l’imposition de la plus-value placée en report, ce que contestaient les intéressés. Ce litige avait été porté devant les tribunaux administratifs.
Dans la première affaire, la CAA de Paris avait relevé d’office le moyen selon lequel le régime du report d’imposition était contraire à la directive 90/434/CEE relative aux rassemblements de capitaux, dont l’article 8.1 prévoit la neutralisation fiscale des échanges de titres.
Le Conseil d’Etat censure l’arrêt de la cour au motif que celle-ci n’était pas fondée à relever d’office le moyen de l’incompatibilité avec le droit communautaire, celui-ci n’étant pas d’ordre public, ce qui nous paraît discutable puisque, selon la formule habituelle de la CJUE, «si en l’état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle de la compétence de la Communauté, il n’en reste pas moins que les Etats-membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire(2)».