Plus de quinze années n’auront pas suffi pour épuiser toutes les questions que suscite l’application de l’article L. 442-6 I. 5° du Code de commerce.
Par Olivier Kuhn, avocat associé, et Laura Bourgeois, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Ce texte qui, depuis 2001, permet à une entreprise d’engager la responsabilité civile de son partenaire commercial lorsque celui-ci rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis, déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels, est l’un des plus utilisés par les plaideurs.
La jurisprudence rendue en la matière en 2017 est l’occasion de revenir sur les règles qui permettent de déterminer quelle juridiction saisir en première instance et en cause d’appel.
L’article D. 442-3 du Code de commerce attribue compétence à huit juridictions spécialisées1.
Il précise qu’une seule cour d’appel est compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions spécialisées : celle de Paris.
De là, les praticiens, confrontés à la diversité des clauses contractuelles de résolution des litiges, ont été amenés à s’interroger sur les points suivants.
1. Peut-on déroger à l’article D. 442-3 du Code de commerce en attribuant contractuellement compétence à d’autres juridictions que celles désignées par le Code de commerce ?
La solution, établie dans l’ordre international2, restait à préciser dans l’ordre interne.
Après avoir rappelé que la seule applicabilité de l’article L. 442-6 précité n’exclut pas la possibilité de recourir à l’arbitrage, la Cour de cassation retient à l’inverse, aux termes d’un attendu de principe, que les dispositions de l’article D. 442-3 précité ne peuvent être mises en échec par une clause attributive de juridiction (Com. 1er mars 2017, n° 15-22.675).
En l’espèce, une clause attribuait juridiction au tribunal de commerce de Créteil, alors que le tribunal de commerce de Paris est la juridiction spécialisée désignée pour les litiges du ressort de la cour d’appel de Paris, auquel le tribunal de commerce de Créteil appartient aussi.
Ainsi, il n’est pas possible de déroger à l’article D. 442-3 susvisé en désignant une juridiction qui ne figure pas sur la liste limitative fixée par le pouvoir réglementaire.
Quid du cas dans lequel les parties auraient effectivement choisi l’une des huit juridictions désignées, mais sans respecter la répartition prévue ?
Il est permis de penser qu’une telle clause, qui ne tient pas à proprement parler en échec les dispositions de l’article D. 442-3 dans la mesure où elle conduit à saisir l’une des huit juridictions spécialisées, conformément au souhait du législateur, pourrait produire ses effets.
A notre connaissance, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur cette question.
2. Quelle cour d’appel saisir dans le cas (plus fréquent qu’on ne le pense) où une juridiction non spécialisée s’est à tort estimée compétente en première instance : celle de Paris ou celle du ressort auquel appartient la juridiction non spécialisée ?
Sur ce point, la Cour de cassation a opéré au printemps dernier un revirement de jurisprudence (Com. 29 mars 2017 n° 15-17.659 et 15-24.241 ; Com. 26 avril 2017 n° 15-26.780).
Elle juge aujourd’hui que puisque l’article D. 442-3 précité attribue compétence à la cour d’appel de Paris pour se...