La mésaventure de la société Madag, le plus gros actionnaire minoritaire d’Acadomia, illustre parfaitement des risques de dérive qui résultent des deux premiers alinéas de l’article L. 233-14 du Code de commerce qui privent automatiquement un actionnaire de ses droits de vote au-delà du seuil dont le franchissement aurait dû être déclaré à la société émettrice (dans un délai de quatre jours de bourse).
Par Frank Martin Laprade, avocat associé, JeantetAssociés.
En particulier, il n’est pas normal qu’une telle sanction ait pu commencer à s’appliquer «automatiquement» – le cinquième jour après un franchissement de seuil non déclaré – sans aucune intervention judiciaire. Le passage devant un juge est pourtant indispensable, ne serait-ce que pour constater la matérialité de l’infraction, ce qui est parfois loin d’être évident et justifie à tout le moins un débat contradictoire. L’intervention d’un juge s’impose aussi pour moduler l’importance de la sanction, en fonction des circonstances de l’espèce, de la présence d’un élément intentionnel, du préjudice réellement subi par la «victime», voire de l’implication de la personne effectivement sanctionnée.
Au cas d’espèce, il n’y a pas de doute que l’intervention d’un juge aurait tout changé – et c’est bien parce que cette sanction est censée être d’ordre public (ce qui interdit par conséquent au juge de la réduire voire de la lever) qu’il a été demandé au Conseil de constater son inconstitutionnalité. Cette sanction (apparue en 1987) est indéniablement devenue «punitive» à compter de 1989, date à laquelle la durée minimale de privation automatique de droits de vote est passée de trois mois à deux ans (incompressibles).
En conséquence, son automaticité la rend contraire au principe de nécessité des peines, dont le corollaire naturel est l’exigence d’une certaine proportionnalité entre la sanction punitive et la prétendue faute. Il s’agit d’une situation d’autant plus intolérable que cette...