Dans une décision fort attendue, le Tribunal de l’Union européenne se prononce en faveur du renvoi au contrôle de la Commission européenne d’une opération de concentration passant sous les seuils de notification mais impliquant une entreprise innovante disposant d’un fort potentiel concurrentiel (TUE 03/07/2022 aff. 123/22).
1. L’article 22 du règlement 139/2004 relatif au contrôle des concentrations
Ce texte autorise les autorités nationales de concurrence (ANC) à demander à la Commission d’examiner toute concentration qui, sans être de dimension communautaire, affecte le commerce entre les Etats membres (EM) et menace d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des Etats concernés. La Commission peut elle aussi inviter le ou les EM concernés à lui présenter une demande de renvoi.
La procédure de l’article 22 a déjà fait l’objet d’orientations pratiques publiées par la Commission en mars 2021 (voir notre article « Quand l’UE s’affranchit des seuils de contrôle des concentrations ! », OF 26/04/2021). Cette procédure est aujourd’hui perçue par la Commission et les ANC comme offrant la flexibilité nécessaire à l’appréhension de certains rapprochements dans les secteurs de l’innovation numérique, de la santé ou des biotechs. Déconnectée des seuils de notification, elle permet en effet le contrôle d’acquisitions d’entreprises dont le chiffre d’affaires ne reflète pas encore leur potentiel d’évolution sur le marché.
En mars 2021, l’Autorité de la concurrence avait adressé à la Commission – sur invitation de cette dernière – une demande de renvoi concernant l’acquisition de la société Grail (start-up américaine de biotechnologie, développeur d’un test sanguin de dépistage du cancer) par la société Illumina (société américaine numéro 1 mondial du séquençage génétique), opération sans dimension européenne et n’atteignant pas non plus les seuils de chiffre d’affaires nationaux.