Par une décision Kermadec, n° 443882, rendue le 1er avril 2022, le Conseil d’Etat a refusé d’admettre la responsabilité de l’Etat pour méconnaissance de l’obligation de renvoi préjudiciel à la CJUE.
Dans cette affaire, une société de droit luxembourgeois, en situation déficitaire, avait supporté la retenue à la source de l’article 119 bis 2 du CGI sur des dividendes de source française. Sa demande de restitution définitivement rejetée par une décision du 29 octobre 2012 (CE, n° 352209), la société cherchait à engager la responsabilité de l’Etat du fait de la violation manifeste du droit de l’UE, compte tenu de l’arrêt Sofina du 22 novembre 2018 (C-575/17) par lequel la CJUE a jugé que la liberté de circulation des capitaux s’oppose à l’application d’une retenue à la source dans cette hypothèse.
Mais le Conseil d’Etat juge pour la première fois que l’article 267 du TFUE, s’il prévoit certes l’obligation pour les juridictions nationales dont les décisions sont insusceptibles de recours de renvoyer une question préjudicielle à la CJUE, ne crée cependant pas de droit au renvoi préjudiciel, et ne constitue ainsi pas une cause autonome d’engagement de la responsabilité de l’Etat.
Selon le Conseil d’Etat, la non-transmission d’une telle question n’est qu’un élément devant être pris en compte par le juge national pour apprécier si une décision juridictionnelle a manifestement méconnu le droit de l’UE. Or, en l’occurrence, tel n’était pas le cas dès lors que cette décision s’inscrivait dans le prolongement de la jurisprudence de la CJUE alors applicable.
Cette solution, si elle ne ferme pas la porte à l’engagement de la responsabilité de l’Etat du fait de la méconnaissance du droit de l’UE par une décision juridictionnelle, rendra néanmoins plus délicate sa démonstration. On peut cependant s’interroger sur sa conformité avec les exigences du droit de l’UE…