Le démembrement de parts sociales est une opération courante, mais c’est seulement aujourd’hui que la Cour de cassation se prononce de façon claire sur l’identité du bénéficiaire d’une distribution de réserves. En jugeant que ces distributions reviennent au nu-propriétaire mais sont versées à l’usufruitier, la Cour conclut que naît chez l’usufruitier une dette de restitution qui sera déductible de sa succession.
Par Emmanuelle Féna-Langueny, avocat counsel, et Isabelle Fleuret, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
1. Quelles dettes déduire le jour du décès ?
On sait que l’actif successoral imposable est composé des biens que le défunt détenait en pleine propriété au jour de son décès, déduction faite des dettes qui étaient à sa charge au jour de l’ouverture de sa succession, à condition que leur existence soit dûment justifiée (CGI art. 768).
Toutefois au plan fiscal, certaines dettes sont expressément exclues du passif successoral déductible. Il s’agit en particulier de celles que le défunt avait envers ses héritiers au sens large ou de personnes interposées (notamment les père et mère, enfants et descendants des personnes concernées) (CGI, art. 773, 2°). Mais ce principe comporte deux importantes exceptions : les dettes trouvant leur origine dans la loi restent déductibles de l’actif successoral, tandis que celles qui sont d’origine contractuelle peuvent être déduites si elles ont été consenties par un acte authentique ou par un acte sous-seing privé ayant date certaine autrement que par le décès du débiteur et si les héritiers, donataires ou légataires, et les personnes réputées interposées prouvent la sincérité de la dette et son existence au jour de l’ouverture de la succession.
Ces critères étant strictement limitatifs, la Cour de cassation a ainsi pu décider qu’à partir du moment où il n’y a pas eu de reconnaissance de dette dûment enregistrée, l’époux marié sous un régime de séparation de biens ne peut pas déduire fiscalement la dette que son défunt conjoint avait envers lui (Cass. com., 20 juin 2006, n° 03-13.746) alors même que le principe des créances entre époux est établi par l’article 1543 du Code civil.