Des époux ont cédé une villa à une SCI familiale constituée sept ans plus tôt et dont ils détenaient la quasi-totalité des parts. Ils ont continué à occuper la villa en tant que locataires de la SCI.Cette SCI n’étant pas soumise à l’IS, son résultat imposable était réparti entre les associés à hauteur de leur quote-part dans la société. Au cours des années suivantes, la SCI a réalisé d’importants travaux de rénovation de la villa, et une quote-part des déficits fonciers déclarés par la SCI est remontée à chacun des associés qui ont déduit le montant correspondant de leur revenu net global (CGI, art. 156).
Par Florent Ruault, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
L’administration a contesté cette déduction sur le fondement de l’abus de droit en soutenant que les contribuables avaient abusivement créé les conditions pour déduire les dépenses afférentes à la villa. Selon elle, la cession de la villa à la SCI puis sa mise en location aux associés a permis de faire échec au II de l’article 15 du CGI qui prévoit que les règles de l’impôt sur le revenu ne s’appliquent pas «aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance». Or le propriétaire n’était plus les contribuables mais la SCI. L’administration avait estimé que dans ces conditions, les charges constatées par la SCI sur la villa ne pouvaient pas venir en déduction du revenu net global du contribuable.
Le Conseil d’Etat relève que bien que l’existence d’un montage purement artificiel n’ait pas été alléguée, les époux n’ont été inspirés par aucun autre motif que celui d’atténuer leurs charges fiscales.
Il donne raison à l’administration et conclut à l’existence d’un abus de droit, en jugeant que les contribuables ont recherché le bénéfice d’une application littérale du II de l’article 15 du CGI à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE, 8 février 2019, n° 407641).
Les circonstances de cette affaire sont intéressantes. En effet, le Conseil d’Etat juge qu’il en va ainsi alors même que la SCI n’a pas été créée ad hoc (elle a été créée plusieurs années auparavant et exploitait un important patrimoine immobilier en plus de la villa) et en dépit d’observations des contribuables relatives à la transmission du patrimoine (les enfants étaient associés minoritaires de la SCI), jugeant ces dernières «dépourvues de toute consistance».