Par deux avis des 6 mai et 11 juin 2021, le Comité s’est prononcé sur le caractère abusif d’opérations patrimoniales reposant sur une tontine utilisée à des fins de transmission et sur la création indue de déficits fonciers dans le cadre d’une SCI familiale.
Par Quentin Thouéry des Hivernals, fiscaliste senior, et Inès de Vannoise, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
«Le droit cesse où l’abus commence », affirmait le jurisconsulte Planiol (1). Faisant une appréciation précise des faits qui lui ont été soumis, le Comité de l’abus de droit fiscal (CADF) a précisé les critères de basculement vers l’abus de deux schémas patrimoniaux apparemment ingénieux.
Ces avis incitent à bien mesurer les risques d’abus afférents aux opérations réalisées ou à venir.
La clause de tontine à l’épreuve de la donation déguisée (2)
Principes et enjeux de la clause de tontine
La clause de tontine ou d’accroissement, instrument financier ancestral devenu outil patrimonial, permet l’acquisition commune de biens avec la particularité de prévoir qu’au décès du prémourant, sa part revienne en totalité au survivant. Celui-ci est alors rétroactivement réputé propriétaire depuis son acquisition. Du point de vue civil, l’intérêt est que les biens acquis en tontine sont exclus de la masse successorale du de cujus, et échappent donc aux règles de réserve héréditaire dont bénéficient les héritiers. Fiscalement, l’article 754 A du Code général des impôts (CGI) soumet ces biens aux droits de succession calculés selon le degré de parenté (art. 777 CGI).
La conclusion d’un pacte tontinier peut donc s’avérer précieuse entre partenaires pacsés légalement dépourvus de vocation successorale, ou encore entre époux mariés sous le régime de la séparation de biens. L’exonération de droits de succession entre partenaires ou époux renforce cet intérêt. Entre non-parents pour lesquels les transmissions sont taxées à 60 %, l’insertion d’une clause de tontine dans les statuts d’une société peut permettre d’être assujetti aux seuls droits de mutation à titre onéreux (au taux maximal de 5,81 % en matière immobilière).