L’Autorité de la concurrence sanctionne par une double amende le défaut de notification d’une opération de concentration et sa réalisation avant toute autorisation (décision n° 22-D-10 du 12 avril 2022). Ce faisant, elle fait sienne l’approche de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière.
1. La validation de la double condamnation à l’échelon européen
Que ce soit en droit de l’Union ou en droit français, les parties à une opération de concentration sont astreintes, sous peine de lourdes sanctions pécuniaires, à une double obligation :
– d’une part, procéder avant sa mise en œuvre à la notification de l’opération à l’autorité de concurrence compétente (selon le cas, Commission européenne ou Autorité de la concurrence) ;
– d’autre part, s’abstenir de réaliser l’opération avant qu’elle ne soit autorisée (gun-jumping) par cette même autorité. Le non-respect de cette obligation de suspension constitue un « gun-jumping ».
Ces deux contraintes visent à assurer l’effectivité du contrôle des concentrations. L’objectif est d’empêcher que les parties à l’opération ne cessent, soit avant la date de notification, soit avant le feu vert de l’autorité, de se comporter comme des concurrents pour agir comme une entité unique et que l’acquéreur n’exerce de manière anticipée un contrôle de droit ou de fait sur la cible.
En 2020, la CJUE a reconnu la possibilité d’infliger à une entreprise une double sanction pour méconnaissance de ces deux règles, estimant qu’il n’en résulte aucune violation de la règle non bis in idem et des principes régissant le concours d’infractions. L’entreprise acquéreur avait alors été condamnée à deux amendes de 10 millions d’euros pour chacune des deux infractions (CJUE 4 mars 2020, aff. C-10/18).
L’ADLC vient de se reconnaître la même prérogative en droit interne en condamnant, au terme d’une procédure de transaction, à une amende globale de 7 millions d’euros la société COFEPP pour avoir pris le contrôle de la société MBWS avant d’avoir notifié l’opération à l’Autorité, et sans attendre sa décision d’autorisation (art. L. 430-8, I et II C. com.).
2. Une prise de contrôle de fait caractérisée par l’exercice d’une influence déterminante
Si la société COFEPP avait bien notifié le 3 janvier 2019 un projet de prise de contrôle exclusif de MBWS, l’ADLC a estimé que la prise de contrôle de la cible était en réalité intervenue bien avant la date de cette notification.
En effet, la réalisation d’une opération de concentration peut être qualifiée d’effective lorsque l’acquéreur exerce, en dépit de l’absence de transfert de la propriété des actifs (ou avant ce transfert), une influence déterminante sur tout ou partie des activités de la cible.