Dans sa décision du 5 juin 2014(1), la Cour de justice de l’Union européenne vient de reconnaître aux victimes d’«umbrella pricing», c’est-à-dire de la pratique du prix augmenté par une entreprise tierce à l’entente pour s’adapter au prix de marché issu de la pratique anticoncurrentielle, la faculté d’agir en réparation contre les auteurs d’une entente.
Par Denis Redon, avocat associé, CMS Bureau Francis Lefebvre.
La voie de la reconnaissance prise par la Cour est un apport majeur au droit de la concurrence qui ne peut être ignorée ni des membres d’une entente ni de leurs victimes. Dans ses conclusions présentées le 30 janvier 2014, l’avocat général Juliane Kokott indiquait elle-même que cette question permettait à la Cour «d’ajouter une pierre à l’édifice de sa jurisprudence sur la mise en œuvre privée du droit de la concurrence de l’Union». En l’espèce, une filiale des chemins de fer fédéraux autrichiens a engagé devant les tribunaux autrichiens, à l’encontre des membres du cartel des ascenseurs (sanctionné en 2007 par la Commission européenne et en 2008 par l’autorité de concurrence autrichienne) une action en réparation du préjudice subi directement mais aussi en tant que client d’un concurrent du fait d’une hausse de prix pratiquée par ce dernier durant la période de l’entente. En droit autrichien, selon la juridiction de renvoi, cette action devait être écartée faute de lien de causalité suffisant.
Saisie à titre préjudiciel, la Cour a considéré que l’article 101 TFUE portant prohibition des ententes s’oppose au droit interne d’un Etat membre excluant de manière catégorique la possibilité d’une action en responsabilité contre les auteurs d’une entente dans une telle situation. La Cour se fonde avec insistance sur la nécessité de l’effet utile de l’interdiction des ententes : elle conduit inéluctablement à la reconnaissance d’un droit à réparation du préjudice subi pour toute...