Dans deux décisions du 9 décembre 2015, le Conseil d’Etat a jugé qu’une société française ne transférait pas de bénéfices à l’étranger en rémunérant une société du groupe auquel elle appartient pour des services rendus par d’autres sociétés du groupe. Ces arrêts, très factuels, mettent logiquement en œuvre les grands principes issus de la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de charge de la preuve. Ces décisions ont également le mérite de rappeler qu’un redressement en matière de prix de transfert peut avoir des répercussions pour d’autres impôts, et notamment la TVA.
Par Armelle Reyes, avocat, et Valentin Lescroart, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre
1. Démontrer l’existence des services fournis à une société permet d’éviter la qualification d’un transfert de bénéfices sur la base d’un avantage par nature
1.1. La preuve d’un avantage par nature
En matière de prix de transfert, la dialectique de la preuve repose sur deux phases successives. C’est d’abord à l’administration qu’il appartient de prouver le caractère anormal de l’opération qu’elle entend redresser ainsi que le montant des avantages consentis. Ce n’est que lorsque ces conditions sont remplies que la preuve de l’existence de tels avantages fait présumer le transfert de bénéfices. Le contribuable conserve toutefois la faculté d’apporter la preuve contraire.
Comme le rappelle le commissaire du gouvernement Glaser dans ses conclusions sur l’affaire Cap Gemini1, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’avantages par nature, qui s’entendent en général d’une libéralité, ou de comportements constitutifs d’avantages par comparaison, parce que leur montant diffère de celui habituellement pratiqué.
En l’espèce, faute de procéder à des comparaisons, c’est nécessairement sur le terrain de l’avantage par nature que s’est placée l’administration pour effectuer son redressement. Cet avantage serait constitué par le fait que les prestations ne présentaient pas d’intérêt pour la société française. La cour administrative d’appel de Paris, qui a noté l’absence de moyens humains suffisants pour effectuer les services au niveau de la société les facturant, l’absence de contrat entre cette dernière et certains sous-traitants, le fait que les prestations des sous-traitants relevaient du contrôle du groupe, qu’elles étaient insuffisamment étayées ou étaient redondantes avec les...