Le droit des sociétés civiles, à la différence de celui qui gouverne les sociétés anonymes (article L. 225-43 du C. com.) ou les SARL (article L. 223-21), ne contient aucune règle particulière encadrant l’octroi par la société d’une garantie au bénéfice de l’un de ses associés ou de ses gérants.
Par Arnaud Reygrobellet, professeur à l’université Paris-X, Of Counsel,
CMS Bureau Francis Lefebvre.
En conséquence, faute d’exigence légale spécifique, il devrait être possible sans restriction de faire cautionner par la société civile un associé ou d’affecter en garantie d’une dette de cet associé l’un des éléments de l’actif social.
L’orientation suivie par la Cour de cassation depuis 2011 montre que l’opération s’avère singulièrement plus risquée – pour le créancier bénéficiaire de la garantie –, au point qu’on peut se demander si, en réalité, les contraintes existant en matière de société civile ne sont pas plus handicapantes que celles prévues pour les SARL et les SA. Plus handicapantes, car plus incertaines faute de règles claires.
Un récent arrêt confirme de façon éloquente, et inquiétante, cette évolution.L’affaire concernait une société civile familiale classique, dont les associés avaient décidé, à l’unanimité, de modifier les statuts afin que, désormais, l’objet social prévoie la faculté pour la SCI de se porter caution solidaire en faveur d’un associé et de conférer toutes garanties sur les immeubles sociaux. Quelque temps après, la SCI consentit au bénéfice d’une banque une hypothèque sur l’immeuble (le singulier est important) lui appartenant en garantie d’un emprunt consenti par la banque au gérant de la société pour les besoins d’une activité personnelle. Le gérant ayant fait par la suite l’objet d’une procédure collective, la banque avait tenté de faire valoir sa garantie et de saisir l’immeuble. En vain. La cour d’appel considère que la sûreté est nulle car contraire à l’intérêt social ; conclusion que valide la Cour de cassation (arrêt du 23 sept. 2014).