Le tribunal administratif de Montreuil admet que les pertes définitives d’une filialenon-résidente soient imputées sur le résultat d’un groupe fiscal intégré (jugementdu 17 janvier 2019, n° 1707036, Groupe Lucien Barrière). Explications.
Par Sophie Girelli, avocate, CMS Francis Lefebvre Avocats
Au visa de quatre décisions de la CJUE, le TA de Montreuil juge que les dispositions de l’article 223 A du CGI sont incompatibles avec la liberté d’établissement dans le cas où elles ont pour effet de priver un groupe français de toute possibilité effective de déduction de son résultat intégré de pertes définitives d’une filiale du groupe établie sur le territoire de l’Union européenne, qui répondrait aux autres exigences de l’intégration fiscale, alors que cette déduction aurait été possible pour une filiale française.
1. Présentation du jugement
1.1. Les faits à l’origine du jugement
La société SPC, filiale française du groupe d’intégration fiscale dont la société mère est la société Groupe Lucien Barrière, détenait une filiale belge qui a été liquidée. A la suite de cette liquidation, la société SPC a imputé le déficit de la filiale belge sur son résultat de l’exercice 2012.
Cette imputation ayant été remise en cause par l’administration fiscale, la société mère du groupe a porté le litige devant le TA de Montreuil sur le fondement du droit de l’Union européenne.
Selon elle, le refus d’imputation des pertes de la filiale belge sur le résultat de la société SPC et, par extension, sur le résultat d’ensemble du groupe, est contraire à la liberté d’établissement, telle qu’interprétée par la CJUE notamment dans sa décision Marks & Spencer du 13 décembre 2015 (aff. C-446/03).
On se souvient que cette décision portait sur le mécanisme britannique du «dégrèvement de groupe», permettant le transfert de pertes entre sociétés d’un même groupe à condition qu’elles soient toutes résidentes fiscales britanniques. La CJUE a jugé contraire à la liberté d’établissement l’impossibilité pour une société britannique de déduire de son résultat imposable les pertes de ses filiales européennes, mais uniquement dans le cas où lesdites pertes ne pouvaient plus être utilisées dans l’Etat de localisation des filiales étrangères («pertes définitives»).