La cour administrative d’appel de Paris, par deux décisions du 15 décembre 2023, redonne un effet utile à la jurisprudence Marks & Spencer de la Cour de justice de l’Union européenne et réouvre ainsi la voie à l’imputation effective sur le résultat d’un groupe fiscal français des pertes finales de ses filiales intégrables sises dans un autre Etat membre.
La plupart des fiscalistes nés – professionnellement – après 2005 ont été bercés au son du conte Marks & Spencer. Cette saga, d’origine luxembourgeoise, relate l’histoire d’un sujet britannique, répondant au nom de Marks & Spencer, et l’opposant aux Recettes et douanes de Sa Majesté (ou « HMRC »). Alors que le premier quémandait la déduction fiscale en Albion des pertes dégagées par ses filiales sur le Vieux Continent sous le sceau de la liberté d’établissement garantie par le vénérable Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, au motif que, ces filiales eussent-elles été établies dans ce Royaume, une telle imputation eût été admise par le truchement du régime fiscal du Group Relief, le second lui répondit : « Que nenni ». Ce haut conflit fut alors porté devant l’honorable Cour de justice de l’Union européenne : l’authentique exégète des saintes écritures européennes.
A la recherche d’un juste équilibre entre préservation de la souveraineté fiscale et défense des libertés fondamentales, la haute cour esquissa une solution de compromis se résumant à un concept cardinal, aux contours délibérément imprécis, celui de « pertes définitives ». Sa définition, ciselée par ses 13 juges, reposait alors sur deux branches cumulatives s’énonçant ainsi : « La filiale non résidente a épuisé les possibilités de prise en compte des pertes qui existent dans son Etat de résidence au titre de l’exercice fiscal concerné par la demande de dégrèvement ainsi que des exercices fiscaux...