Inspiré des préconisations du rapport Notat-Senart, le projet de loi Pacte qui sera présenté au Conseil des ministres début juin, envisage d’introduire dans le Code civilla notion d’intérêt social, aux fondements jusqu’alors jurisprudentiels.
Par Philippe Portier, avocat associé, Jeantet, et Didier Poracchia, professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne
Le modèle de la société, prévu par les articles 1832 et suivants du Code civil, est aujourd’hui l’objet de discussions intenses. Des voix se font entendre de longue date1 pour que la finalité de la société soit élargie, de manière plus ou moins prononcée, à la satisfaction d’un intérêt général ou à celle des différentes parties prenantes de l’entreprise et qui devraient être impliquées dans le «projet d’entreprise»2. Celui-ci deviendrait ainsi la cause, le but mais aussi l’objet de toute société.
Si ces propositions devaient aboutir, nul doute que le droit des sociétés devrait être très largement remodelé, ne serait-ce que pour définir les modes d’association de ces parties prenantes, qui devraient s’entendre pour définir ce projet commun d’entreprise et pour le réaliser. Il serait également nécessaire de réfléchir aux diverses actions qui devraient être ouvertes à ces parties prenantes pour leur permettre de s’assurer de la réalisation dudit projet3.
1. Un projet plus modeste
En l’état actuel cependant, l’Etat semble plutôt s’orienter vers une simple évolution des dispositions légales. Il s’agirait d’affirmer l’autonomie de la personne morale par rapport à ses associés. Ainsi est-il proposé de réécrire l’article 1833 du Code civil, lequel disposerait que «la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité». Cette évolution, qui n’est pas une révolution, permettrait à la structure sociétaire de pouvoir poursuivre son propre intérêt...