La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 5 mai dernier, un arrêt dont elle signale elle-même l’importance : il sera non seulement publié au Bulletin, mais analysé dans le Rapport annuel de la Cour de cassation et diffusé son site Internet.
Par Arnaud Reygrobellet, professeur à l’Université Paris X, Of Counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
La décision intervient à la suite d’un très long contentieux survenu après mise en œuvre d’une garantie de passif dont la bonne exécution était assurée par un engagement de caution solidaire sans limitation de montant. Particularité de la situation : la convention de garantie de passif était assortie d’une clause compromissoire, que ne comportait pas le contrat de cautionnement. Après condamnation du débiteur par le tribunal arbitral, le créancier assigna la caution en paiement. C’est pour tenter d’échapper à cette obligation que la caution a ouvert plusieurs fronts judiciaires.
Dans un premier temps, elle a tenté de saisir le Conseil constitutionnel, via une QPC, critiquant l’interprétation jurisprudentielle constante faite, selon elle, de l’article 1208 du Code civil, laquelle interdirait à une caution solidaire de critiquer devant les juridictions étatiques la sentence arbitrale et serait donc contraire au droit à un recours juridictionnel effectif. Mais cette première stratégie échoue : la demande est jugée irrecevable au motif que l’interprétation constante invoquée n’existe pas !
D’où, le second front donnant lieu à l’arrêt commenté et qui va voir la caution obtenir gain de cause… sur le terrain des droits fondamentaux.
Toute la difficulté naît de la situation ambiguë dans laquelle se trouve une caution solidaire. Selon une théorie très contestée, les co-obligés (donc le débiteur et la caution solidaire) sont censés se représenter mutuellement. Par exemple, la caution solidaire n’ayant pas matériellement participé à une transaction entre le créancier et le débiteur principal est néanmoins considérée comme y ayant été partie : elle peut l’invoquer, à son profit, pour neutraliser une demande en paiement du créancier.