Une condition suspensive subordonne la naissance des effets d’un accord à la survenance d’un événement futur et aléatoire. Extrêmement utile, elle peut cependant être d’une manipulation dangereuse. Involontairement le plus souvent, cette condition peut menacer, à elle seule, toute la validité de l’accord qu’elle concerne.
Par Philippe Jacques, avocat associé, et Florence Trognon-Dumain, avocat associé, CGR Legal
1. La condition suspensive ou la réconciliation des contraires
Pour limiter la durée et le coût de négociations, et pour se prémunir d’un changement d’avis de son interlocuteur, mieux vaut ne pas retarder la conclusion d’un accord.
Néanmoins, une bonne maîtrise des risques suppose des informations, données, études, autorisations, fonds disponibles, etc., avant de s’engager sérieusement.
Logiquement, ces deux séries de considérations s’opposent.
Alors : s’accorder immédiatement, mais un peu aveuglément ? Attendre, au risque que la discussion ne se finalise pas ? Le droit propose divers moyens de résoudre ce conflit, dont la «condition suspensive».
La condition est un événement à venir et de survenance aléatoire. «Suspensive», elle retarde la naissance d’un ou plusieurs effets de droit (une dette, un transfert de propriété, une prestation, etc.), cette naissance dépendant de la réalisation de l’événement «conditionnel». Si cet événement ne survient pas, l’accord sous condition n’aura jamais produit la moindre conséquence.
Malgré les incertitudes qui existent lors d’une négociation, la condition suspensive permet donc de consentir de manière «relativement» précoce, sans nécessiter pour autant un consentement à l’aveugle, ou à risque.
A sa façon, la condition suspensive évite de reporter un accord, puisqu’elle reporte la naissance de ses effets.
Sans magie, cette condition suspensive réalise une sorte de «quadrature du cercle» : elle permet de former un accord ferme, définitif et d’ores et déjà binding, car ses effets soumis à condition ne sont pas encore nés et peuvent, selon le cours des choses, ne jamais naître.
Ainsi s’explique le succès des conditions suspensives, présentes dans la plupart des accords B-to-B.
2. Une condition suspensive sous surveillance
Une condition suspensive permet ainsi de figer des consentements définitifs à un instant où, pourtant, leur rationalité n’est pas certaine. Ceci suppose, néanmoins, que chacune des parties à un accord conditionnel «joue le jeu». S’il apparaît, dès l’origine, que la survenance de l’événement dépend exclusivement de l’une des parties, la condition n’est plus objectivement aléatoire. Selon la formule du droit, elle est alors «purement potestative».