La Suisse mène actuellement une réforme fiscale qui vise à mettre fin aux statuts fiscaux privilégiés, tout en préservant la compétitivité du pays. Les enjeux et les défis sont énormes.
Par Andrio Orler, avocat associé, CMS von Erlach Poncet Genève
1. Rappel du contexte de la réforme
La Suisse est bien connue dans le monde de la fiscalité internationale pour l’attractivité et la stabilité de ses statuts fiscaux privilégiés. Ces régimes sont définis en partie par la loi et en partie par la pratique administrative. Il s’agit de cinq régimes fiscaux (sans compter les allégements pour des entreprises nouvellement constituées) qui, à des conditions différentes, permettent de réduire considérablement la charge liée à l’impôt sur le bénéfice.
Ces statuts fiscaux privilégiés ont une grande importance économique, notamment en termes de contribution aux recettes fiscales de la Confédération (48,3 % du produit de l’impôt sur le bénéfice) et à celles des cantons (21,1 % du produit dudit impôt). De plus, ces statuts permettent d’atténuer la concurrence fiscale intercantonale. En effet, si le taux effectif global de l’impôt sur le bénéfice varie de manière très significative selon les cantons (environ entre 12 % et 24 %), les différences entre les taux effectifs applicables à des sociétés à statut fiscal privilégié sont peu importantes : l’incitation à constituer une société dans un canton plutôt qu’un autre pour des raisons fiscales est donc limitée.
La Suisse subit depuis plusieurs années une pression internationale, et tout particulièrement au niveau de l’Union européenne, de l’OCDE et du G20, afin qu’elle abandonne ses régimes fiscaux privilégiés. Elle a désormais décidé de se conformer aux exigences internationales et, en septembre 2014, le Conseil fédéral a mis en...