« Par rapport à la théorie de l’abus de majorité, la notion de fraude permet d’élargir les possibilités d’action du minoritaire en supprimant l’exigence que la décision attaquée soit contraire à l’intérêt social de la société. »
Par Arnaud Burg, avocat associé, DS Avocats
L’article 1833 du Code civil dispose qu’une société doit être constituée (et gérée également selon la jurisprudence) dans l’intérêt commun de ses associés et la jurisprudence rappelle constamment que les associés doivent être traités, en application de ce principe, de manière égalitaire à l’occasion des différentes décisions sociales émaillant la vie d’une société. En se fondant sur cette notion d’égalité de traitement, la jurisprudence a développé la notion d’abus de majorité qui permet aux minoritaires de contester certaines décisions ou comportements qui viendraient rompre cette égalité entre associés.
Un arrêt récent de la Cour de cassation1 élargit les moyens donnés aux minoritaires de contester des opérations sociales qui viennent, de manière abusive, privilégier certains actionnaires au détriment de l’intérêt commun en se détachant de la notion d’abus de majorité au profit de la fraude.
Après un rappel de la théorie de l’abus de majorité, nous examinerons la portée de cet arrêt du 30 septembre 2020 et son intérêt pour la protection des minoritaires.
1. La notion d’intérêt commun et la théorie de l’abus de majorité
Comme le rappelle le professeur Dominique Schmidt2, la notion d’intérêt commun est une notion juridique. Cette règle posée par l’article 1833 du Code civil suppose que chaque actionnaire doit recevoir ce que lui revient en proportion du capital social qu’il détient dans la société et les actes et décisions sociales de la société doivent respecter le traitement égalitaire des associés.
Si certains associés bénéficient ou subissent les effets d’une décision prise par les organes de la société, l’intérêt commun des associés n’est plus respecté et l’auteur de cette violation engage sa responsabilité vis-à-vis des autres associés.