Revenant sur une jurisprudence que l’on pensait établie, le Conseil d’Etat saisit la CJUE d’une question préjudicielle afin de savoir si le «droit d’établissement à titre d’indépendant» prévu par les accords de Luxembourg conclus en 1999 entre l’UE et la Suisse est comparable à la liberté d’établissement consacrée par le Traité sur le fonctionnement de l’UE. L’affaire en litige concerne une problématique d’exit tax, mais la réponse qui sera apportée par la Cour de justice pourrait avoir des répercussions plus étendues.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat, Hoche Société d’Avocats
La liberté d’établissement, consacrée par l’article 49 du TFUE, pourrait-elle être étendue à la Suisse sur le fondement des accords dits de Luxembourg conclus le 21 juin 1999 entre cet Etat et l’Union européenne ? Telle est la question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat à la CJUE dans un litige relatif à l’ancienne «exit tax» mais qui pourrait avoir des conséquences insoupçonnées.
Cette question est d’autant plus intéressante que l’on pourrait penser qu’elle avait été définitivement tranchée dans l’esprit des sages du Palais Royal.
Rappelons que l’article 1 de ces accords garantit aux ressortissants de l’Union et de la Confédération le droit, notamment, de s’établir en tant qu’indépendant et que l’article 4 prévoit que «le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti» aux uns et aux autres sur le territoire des parties contractantes.
L’article 16 dispose que, pour appliquer cet accord, il sera tenu compte du droit communautaire et, notamment, de ses développements jurisprudentiels.
Or la Cour de justice a jugé avec constance qu’un régime d’exit tax prévoyant l’imposition des plus-values latentes en cas de transfert de résidence d’un Etat à l’autre n’est pas conforme à la liberté d’établissement lorsqu’il subordonne le report de cette imposition à la constitution de garanties et que, lorsque l’imposition devient effective, il n’est pas tenu compte d’éventuelles moins-values constatées postérieurement au transfert de résidence.
Par plusieurs décisions, le Conseil d’Etat a jugé que les accords de Luxembourg ne sont pas assimilables à la liberté d’établissement et que, par conséquent, des contribuables qui auraient transféré de France vers la Suisse leur résidence fiscale ne peuvent se prévaloir utilement de cette liberté.
Mais, comme aurait dit Audiard, il semble que «le doute s’installe».
En effet, dans une affaire où est...