L’article 2 de la loi El Khomri suscite à lui seul de nombreuses polémiques. Ses détracteurs y voient une inversion dans la hiérarchie des normes, notamment dans la place accordée aux accords d’entreprise par rapport à celle des accords de branche.
Par Florence Goumard, associée, Pichard & Associés
En droit du travail existent trois niveaux de normes. Au sommet de la pyramide se trouve la norme constitutionnelle, en dessous, la norme législative (Code du travail) puis la norme conventionnelle (accords de branche, conventions collectives et accords d’entreprise ou d’établissement).
La Loi El Khomri ne modifie pas la suprématie des blocs constitutionnel et législatif par rapport au bloc conventionnel (cf. 1).
En pratique, la norme conventionnelle a vocation à être «mieux-disante» que la loi. Cela étant, il est déjà possible de déroger à la loi dans un sens moins favorable sur certains sujets, mais uniquement par accord de branche (cf. 2).
La Loi El Khomri veut élargir cette possibilité sur d’autres thèmes de négociation et ce par accord d’entreprise ou d’établissement, peu importe les dispositions prévues par accord de branche.
Dès lors, peut-on considérer que la loi Travail a pour effet de modifier la hiérarchie des normes comme ses opposants le soutiennent ?
1. Un socle minimal maintenu
Le Code du travail continuera à prévoir des dispositions minimales auxquelles aucun accord de branche ou d’entreprise ne pourra déroger. En ce sens, la norme conventionnelle (convention collective, accords de branche, accords d’entreprise) ne pourra jamais être «moins disante» que la norme législative.
En revanche, la hiérarchie des normes au sein du bloc conventionnel pourra s’inverser en ce sens que désormais, ce qui est négocié au sein de l’entreprise pourra être moins favorable que ce qui a été négocié au sein d’une branche d’activité.
L’objectif est de permettre davantage de négociation au sein de l’entreprise afin que celle-ci s’adapte à ses propres contraintes et réalités. Toutefois, cette possibilité de déroger aux accords de branche concerne uniquement les domaines relevant de la négociation collective d’entreprise et n’est pas nouvelle.
2. Une inversion déjà amorcée
2.1. Une inversion déjà prévue au niveau de la branche par l’article L. 3212.22 du Code du travail
L’inversion de la hiérarchie des normes est déjà présente dans la rédaction actuelle de l’article L. 3121-22 du Code du travail puisque celui-ci prévoit qu’un accord de branche ou une convention collective peut déroger à certaines dispositions du Code du travail.