Dans un arrêt du 19 avril dernier (Cass. soc. 19 avril 2023, n° 21-21.053 FP-BR), la Cour de cassation est venue peaufiner sa jurisprudence sur la protection du salarié en cas de harcèlement moral.
La question qui était posée dans cette affaire pourrait être : un salarié qui relate et dénonce des faits sans les qualifier de harcèlement moral est-il protégé contre le licenciement ?
Les faits étaient assez simples : une psychologue, travaillant dans un foyer accueillant des adolescents en difficulté, a été licencié pour faute grave. La lettre de licenciement lui reprochait d’avoir adressé à la direction du foyer un courrier au sein duquel elle avait gravement mis en cause l’attitude et les décisions prises par le directeur tant à son égard que s’agissant du fonctionnement de la structure. Estimant que le licenciement était motivé par des faits de harcèlement moral, la cour d’appel a annulé le licenciement.
Depuis 2017, la Cour de cassation estimait qu’un salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral (Cass soc., 13 septembre 2017, n° 15-23.045 P). La solution avait été critiquée, car la qualification de harcèlement moral est d’ordre public.
La haute juridiction a décidé d’opérer un revirement de jurisprudence et elle considère désormais que « le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi ».
Son revirement est en réalité motivé par deux règles :
– un revirement, intervenu en 2020, permettant à l’employeur d’invoquer la mauvaise foi du salarié devant le juge même s’il ne s’en est pas prévalu dans la lettre de licenciement (égalité des armes) ;
– la nullité du licenciement qui porte atteinte à la liberté d’expression, le licenciement étant frappé de nullité pour ce seul motif.
Notons tout de même qu’une limite est toutefois posée : le salarié est protégé contre le licenciement même s’il n’a pas qualifié les faits de harcèlement moral, mais à la condition que l’employeur ne puisse légitimement ignorer que le salarié dénonçait des faits de harcèlement moral. Cette condition est bien évidemment appréciée par les juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation.