Ces dernières années ont vu l’émergence de nouveaux régimes de gouvernance des marchés numériques. Ces évolutions témoignent de la prise de conscience de la nécessité de mettre en œuvre des garde-fous et une surveillance accrue du secteur, sans pour autant étouffer l’innovation. A cette fin, des pratiques et outils juridiques inspirés du droit de la concurrence et de la protection des données personnelles vont être mis en œuvre dans l’Union européenne et au Royaume-Uni.
1. Pourquoi une réglementation particulière du secteur numérique ?
L’ère des « super apps » a mis en lumière le succès croissant des plateformes multifaces. Celles-ci fonctionnent en proposant un produit ou service qui met en relation deux ou plusieurs groupes de participants, tout en jouant un rôle d’intermédiation. Leur valeur ajoutée est de permettre cette connexion, faciliter la recherche de produits et l’établissement de liens entre ces participants, ce qui augmente l’audience de la plateforme. Récemment, un certain nombre de réseaux sociaux ont étendu leur offre de services pour y inclure des services de paiement et d’e-commerce, permettant l’utilisation des effets de réseau.
De façon plus générale, les plateformes numériques cherchent rarement à acquérir leurs concurrents, préférant acquérir des offres complémentaires, parfois totalement différentes de la leur. La question posée devient alors celle de la capacité pour des acteurs dominants à renforcer leur pouvoir de marché par l’établissement de liens sur des marchés adjacents leur permettant leur audience et de contrôler l’accès à une large gamme de services. L’acquisition d’offres complémentaires a pu être jugée, dans certains pays, anticoncurrentielle (par exemple, Apple/Shazam).
Quelle que soit la nature des plateformes, l’acquisition et la conservation de l’audience sont des conditions nécessaires à leur succès. A cet égard, certains ont mis en cause leur collecte de grandes quantités de données personnelles auprès des utilisateurs et les effets qui en résulteraient sur la...