L’article 2 du Code civil dispose que «la loi ne s’applique que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif». Pourtant, ce principe essentiel en droit français n’a étonnamment aucune valeur constitutionnelle. Le législateur est donc libre d’y déroger à sa guise.
Par Céline Huet, avocat associé, Cabinet Chassany Watrelot et Associés
A l’heure où les contribuables sont déstabilisés par le nombre croissant de mesures rétroactives et qu’un projet de loi constitutionnelle est réclamé, un point s’impose.
1. La petite rétroactivité fiscale
En matière fiscale, le principe est a priori simple : sauf dispositions législatives contraires, les règles relatives à l’établissement de l’impôt sont celles en vigueur au moment du fait générateur de l’impôt. Le bémol est qu’en matière d’impôt sur le revenu, c’est la fin de la période d’imposition qui constitue le fait générateur. C’est donc au 31 décembre que s’applique la loi à l’impôt sur le revenu : au 31 décembre de l’année en cours, le législateur peut à convenance modifier les dispositifs fiscaux en vigueur sans pour autant voir la loi qualifiée juridiquement de rétroactive. Pourtant, la petite rétroactivité, comme on la nomme, dès lors qu’elle impacte des situations en cours, peut fortement nuire aux contribuables, qui ont procédé pendant l’année à des investissements sur la base d’une fiscalité fictive puisqu’elle pourra être modifiée à la fin de l’année fiscale.
2. Un garde-fou bien timide : le motif d’intérêt général
Si la rétroactivité est donc permise, elle est néanmoins encadrée pour des raisons de sécurité juridique : «Si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.» Toutefois, ce garde-fou est d’une efficacité plus que modérée quand on sait que le respect de cette condition est particulièrement facilité par les contraintes budgétaires grandissantes. Il a ainsi fallu attendre l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 9 mai 2012 pour que, pour la première fois, la petite rétroactivité soit rejetée au motif d’un intérêt général insuffisant, soit dix ans après les faits.