La déflation qui impacte le secteur de l’immobilier à divers égards, rend moins attractif l’investissement dans l’actif immobilier lui-même. Toutefois, l’immobilier constituant en tout état de cause, une valeur refuge sur le long terme, en tant qu’actif réel, bien tangible non délocalisable et producteur de liquidité régulière et visible, une solution consiste à investir au travers du passif, c’est-à-dire de la dette immobilière.
Par Philippe Tannenbaum, avocat, et Sarah Lugan, avocat, NMW Avocats.
La déflation qui est la baisse des prix consécutive à la disparition de la liquidité résulte de la perte de confiance dans l’avenir. Le cash disponible est thésaurisé, il ne circule plus.
Or, la déflation impacte l’immobilier au premier chef, à divers égards :
- il y a moins d’appétence à investir, car l’argent est prioritairement thésaurisé ;
- la valeur de tous les actifs réels s’oriente à la baisse ;
- la disparition ou à tout le moins la forte atténuation de l’indexation, combinée à la baisse des loyers résultant de la récession, des renégociations, des disparitions de locataires, engendrent une baisse des loyers donc des rendements réels, ajoutant du désintérêt pour l’investissement ;
- les banques sont frappées par un syndrome de perte de confiance, les banques sont moins enclines à prêter : c’est le processus de «debt deflation» ;
- il n’y a plus de certitude que le besoin primaire du logement pourra être satisfait – en d’autres termes, il s’agit du risque de défaut de paiement des loyers.
La possibilité, la rentabilité et les perspectives de l’investissement immobilier, en commercial comme en habitation, sont donc vouées à être affectées.
Cependant, l’immobilier constitue une valeur refuge sur le long terme, en tant qu’actif réel, bien tangible non délocalisable et producteur de liquidité régulière et visible.
Aussi, en l’état, une solution consiste à investir dans l’immobilier au travers non pas de l’actif mais du passif, en d’autres termes dans de la dette immobilière dans la mesure où elle répond aux contraintes vues précédemment :
- elle est peu volatile, car elle représente de la monnaie et non un actif ;
- elle permet de rester associé au devenir du secteur, à ses valeurs réelles et à ses cash-flows, car ce sont ceux-ci qui viennent rembourser le capital et payer les intérêts (ce dernier aspect étant d’ailleurs susceptible d’être renforcé au travers des clauses de covenants, qui établissent un rapport entre niveau du cash-flow et des fonds propres de l’emprunteur d’une part, niveau des intérêts et montant de la dette d’autre part) ;
- elle fournit au secteur les financements qui vont lui manquer et lui permettront de passer les caps difficiles qui se profilent, c’est-à-dire d’éviter d’avoir à brader des actifs pour retrouver des fonds ;
- elle n’incorpore pas de pari sur les valeurs futures ; au contraire, la dette est accordée après un processus rigoureux d’analyse financière de la qualité du débiteur et de celle des cash-flows produits par les actifs qu’il détient ou ceux qu’il souhaite financer.
Notons en outre qu’elle permet de répondre à un besoin spécifique, qui est pour les assureurs le respect des ratios Solvency II(1). En effet, la dette est moins pondérée que les actions ou que l’immobilier dans les placements des compagnies dans la mesure où elle est moins volatile, et elle est donc nettement moins consommatrice de fonds propres prudentiels.
Longtemps limité à la sphère anglo-saxonne, le produit d’investissement dans la dette arrive en France, sous la forme de fonds de dettes immobilières.
Il convient de noter que les fonds de dettes immobilières lancés ou annoncés totalisent actuellement une dizaine de milliards d’euros(2). A l’échelle européenne, les fonds de dettes immobilières ont recommencé à se lancer de façon soutenue, et totalisent environ 70 milliards d’euros(3).
La dette incluse dans ces fonds peut s’alimenter à trois sources :
- la première est le rachat de portefeuilles existants, de bonne qualité, cédés par une banque désireuse d’alléger son exposition au secteur. Le cas typique est celui du portefeuille d’Eurohypo Londres repris par Lone Star. Le fonds permet ainsi à la banque de retrouver de la liquidité, de respecter ses ratios prudentiels Bâle 2 et 3. Ce fonds assume le «servicing» du prêt, permettant ainsi à la banque de se décharger de cette activité ou même de gérer en douceur son extinction.
Une variante de ce cas de figure est la reprise de portefeuilles dits «distressed», composés de créances affectées d’une façon ou d’une autre, notamment par le non-respect des covenants ou les difficultés de l’emprunteur à faire face à ses obligations. La valeur ajoutée du fonds est là beaucoup plus importante. Il va lui falloir, en plus du servicing classique, assumer la restructuration des prêts, voire celle de l’emprunteur, et éventuellement la gestion des immeubles repris après contentieux. Bien évidemment, il en résulte une exigence de rémunération plus élevée, et il n’est pas rare dans ce cas, de voir des portefeuilles repris à moins de la moitié de leur valeur faciale ;