Par une importante décision1, la Cour de justice précise dans quelles circonstances une société relais peut revêtir un caractère abusif conduisant à écarter l’application des directives mère-fille2 et intérêts et royalties3.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Dans les différentes affaires dont elle était saisie sur renvoi préjudiciel des juridictions danoises, la Cour devait déterminer dans quelles conditions l’interprétation de «sociétés relais»4 en vue de bénéficier des exonérations de retenues à la source prévue par ces directives, pouvait être considérée comme abusive.
De fait, dans chacun des schémas en cause, des structures avaient été interposées entre des investisseurs établis en dehors de l’Union et des sociétés cibles situées au Danemark, ce qui permettait d’appliquer ces exonérations aux flux financiers provenant des cibles danoises, ce qu’avaient contesté les autorités fiscales locales, au motif que ces structures n’étaient pas les bénéficiaires effectifs de ces flux.
La Cour devait répondre en fait à trois questions, que l’on peut résumer comme suit.
1. Les autorités fiscales peuvent-elles refuser l’application des directives lorsque leur législation ne comporte pas de dispositions anti-abus ? Telle était alors la situation de la législation danoise
La Cour répond à cette question en rappelant sa jurisprudence maintenant bien établie selon laquelle «il existe dans le droit de l’Union, un principe général de droit selon lequel les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir de normes du droit de l’Union»5.
Il en résulte qu’un Etat membre est fondé à «refuser le bénéfice des dispositions du droit de l’Union lorsque celles-ci sont invoquées non pas en vue de réaliser les objectifs de ces dispositions mais dans le but de bénéficier d’un avantage du droit de l’Union alors que les conditions pour bénéficier de cet avantage ne sont que formellement remplies»6.Ce principe s’applique donc même en l’absence de dispositions nationales destinées à sanctionner les abus.
2. Quels sont les éléments constitutifs d’un abus de droit et comment peuvent-ils être établis ?
La Cour rappelle que la preuve d’une pratique abusive résulte de la réunion de deux éléments7 :
– d’une part, «un...