Dans une affaire jugée au seuil de l’été1, le Conseil d’Etat rappelle fort opportunément l’étendue des obligations qui incombent à l’administration lorsqu’elle entend fonder des redressements sur des informations recueillies auprès de tiers, notamment par l’exercice de son droit de communication. Cette jurisprudence s’applique tout particulièrement aux opérations complexes telles que les LBO.
Par Eric Ginter, avocat associé et Julien Bellet, avocat, cabinet Hoche.
Il résulte de l’article L. 76B du Livre des procédures fiscales que «l’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus des tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir» d’éventuels rappels d’impositions. Cet article se poursuit en précisant que l’administration «communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés, au contribuable qui en fait la demande».
L’obligation à laquelle l’administration est astreinte selon ce texte est donc double :
– tout d’abord, elle doit indiquer au contribuable l’origine et la teneur exactes des informations qu’elle a pu recueillir, notamment auprès de tiers, et sur lesquelles elle entend fonder d’éventuels redressements ;
– ensuite, si le contribuable lui en fait la demande, elle doit lui fournir une copie de l’ensemble desdits documents.
Dans l’affaire qu’il avait à juger, le Conseil d’Etat a ainsi censuré une procédure dans laquelle l’administration avait cru pouvoir se dispenser de communiquer des informations recueillies auprès de la DGCCRF et des services vétérinaires, au motif que celles-ci ne faisaient que «conforter l’analyse faite par le vérificateur».
Cette obligation d’information et de communication sur demande ne connaît que deux limites :
– l’administration n’est pas tenue de communiquer à un contribuable des informations dont celui-ci a nécessairement connaissance ou qu’elle détient du fait de la loi (fichier immobilier par exemple) ;
– elle n’a pas non plus à communiquer des informations recueillies auprès d’autorités fiscales étrangères lorsque celles-ci sont confidentielles ; toutefois, ces informations seront écartées par le juge en cas de litige porté devant lui et l’on gagera qu’avec la généralisation des échanges entre administrations, cette règle devra évoluer.
La sanction des manquements aux obligations résultant de l’article L. 76B du LPF est la nullité des rappels d’impositions notifiés sur le fondement des informations en cause.
Ces dispositions trouvent naturellement à s’appliquer dans le cadre des contrôles visant des schémas complexes mettant en cause de nombreuses personnes tant physiques que morales, à l’instar des LBO.
Dans de telles opérations, l’administration collecte généralement les informations qui lui sont nécessaires auprès des différents intervenants (banques, fonds d’investissements, holding de reprise…) après quoi elle notifie aux personnes physiques qui y ont participé des redressements portant le plus souvent sur la requalification de leurs gains.