La Commission européenne a fait part de son intention d’accéder plus facilement aux demandes de renvoi des autorités nationales de concurrence pour des opérations sensibles qui sont pourtant en deçà des seuils de contrôle des concentrations. Un tel renvoi pourra être effectué avant ou, dans certaines circonstances, après la réalisation des opérations concernées. Cette nouvelle approche crée un nouvel aléa réglementaire sur les opérations de M&A ou de private equity. Des solutions existent toutefois afin d’en atténuer les risques.
Par Jean-Julien Lemonnier, avocat associé, concurrence, et Guillaume Briant, avocat associé, M&A et private equity, Stephenson Harwood.
1. Un changement sans changement
Les autorités de concurrence ont constaté que le contrôle des concentrations fondé sur des seuils basés sur le chiffre d’affaires des parties ne leur permettait pas toujours d’appréhender de manière satisfaisante les acquisitions prédatrices (destinées à éliminer un concurrent de taille encore modeste mais qui représente une menace potentielle importante). Les craintes des autorités concernent particulièrement les secteurs de la santé et des nouvelles technologies, mais pas seulement.
Pour pallier cet « enforcement gap », des réformes ont été engagées dans certains pays. Ainsi, constatant que dans ces opérations, le prix d’acquisition était souvent sans rapport avec le chiffre d’affaires de la cible, l’Allemagne et l’Autriche ont adopté un seuil de notification fondé sur la valeur de la transaction. En France, l’Autorité de la concurrence a formulé des propositions de réforme au niveau national qui n’ont pas encore abouti, tout en préconisant au niveau européen la revalorisation des outils déjà disponibles, en particulier l’article 22 du règlement Concentrations.
Cet article permet aux Etats membres de renvoyer vers la Commission européenne une opération qui n’est pas de dimension communautaire mais qui affecte le commerce entre les Etats membres et menace d’affecter la concurrence de manière significative sur le territoire de l’Etat membre qui formule cette demande. Aucune autre condition n’est inscrite dans ce texte, en particulier s’agissant du franchissement des seuils...