Dans un arrêt du 12 novembre 20151, le Conseil d’Etat accepte de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) d’un type inédit. La question est de savoir si les dispositions du régime mère-fille français refusant le bénéfice de ce dernier aux produits des titres dépourvus de droit de vote constituent une discrimination à rebours contraire aux principes constitutionnels, compte tenu de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d’États membres différents (directive MF).
Par Siamak Mostafavi, avocat associé, et Nicolas André, avocat, Jones Day
1. Contexte
L’affaire sur laquelle le Conseil d’Etat s’est prononcé a déjà alimenté la jurisprudence. La société Metro Holding France (MHF) détenait la totalité des titres de la société CRFP Cash (CRFP), laquelle détenait une participation croisée dans MHF. Souhaitant mettre fin à cette participation croisée, MHF a procédé au rachat de ses propres titres auprès de CRFP afin de les annuler. CRFP a ensuite fait l’objet d’une dissolution sans liquidation dans MHF.
En application de la législation en vigueur à l’époque des faits, le prix de rachat versé par MHF à CRFP était constitutif d’un revenu distribué. CRFP a alors placé ce revenu sous le régime mère-fille des articles 145 et 216 du Code général des impôts (CGI) afin d’obtenir une exonération d’impôt sur les sociétés.
Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a néanmoins remis en cause cette exonération au motif que les titres rachetés par MHF, dépourvus de droit de vote en raison de la situation d’autocontrôle, n’étaient pas éligibles au régime mère-fille en application du b ter du 6 de l’article 145 du CGI de l’époque (dont l’objet, à savoir exclure du régime mère-fille les «produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote», figure à présent et à l’identique au c du 6 du même article avec la précision que cette exclusion ne vaut pas lorsque la société mère concernée «détient des titres représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice2»).
MHF a contesté cette...