Par un arrêt du 15 février 2016 (CE n° 374071, SNC Distribution Leader Price), la Haute Juridiction retient une interprétation restrictive du critère de contrariété à l’intention des auteurs d’un texte fiscal, nécessaire à la qualification d’abus de droit. Elle estime, par ailleurs, par des motifs appropriés, que la transformation de la société ne poursuivait pas ici un but exclusivement fiscal.
Par Richard Foissac, avocat associé, et André Loup, avocat counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre
La SA Distribution Leader Price, qui avait pour activité l’approvisionnement de produits «discount» des magasins Franprix et Leader Price, s’est transformée, le 30 juin 1998, en société en nom collectif (SNC).
Relevant dès lors du régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l’article 8 du Code général des impôts (CGI), l’imposition de son bénéfice fiscal constaté au 31 décembre 1998 a été répartie entre ses associés, et notamment à sa société mère Asinco.
Or, cette dernière disposait d’importants déficits fiscaux, provenant de déficits d’ensemble qui lui avaient été transmis lors de la cessation du groupe intégré dont elle était mère, qu’elle a pu ainsi imputer sur sa quote-part dans le bénéfice de la SNC.
1. La transformation de la filiale SA Distribution Leader Price en SNC a permis d’imputer ses bénéfices fiscaux sur les déficits de sa mère
Les titres de la SNC ont ensuite été apportés le 30 juin 1999, avec effet rétroactif au 1er janvier 1999, à une société Leader Price Holding, soit un an après l’apport d’autres filiales d’Asinco à cette société.
L’administration fiscale a remis en cause, sur le fondement de l’abus de droit, la transformation de la société en SNC en considérant que le changement de régime fiscal qui en a résulté, combiné à l’apport «différé» des titres de la SNC à la société Leader Price Holding, ne s’expliquait que par la volonté de compenser les déficits d’Asinco avec sa quote-part dans le bénéfice fiscal de la SNC.
Par un arrêt du 22 octobre 2013 (n° 11VE03449), la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté la requête que lui avait soumise la SNC à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 juillet 2011 (n° 0700747) qui avait confirmé l’abus de droit.