L’Europe s’installe dans une ère de taux négatifs. Pourtant, le taux des intérêts de retard dus en application de l’article 1727 du CGI n’en reste pas moins fixé à 4,80 %/an. Cette situation n’est-elle pas critiquable ?
Par Eric Ginter, avocat associé, Hoche Avocats, chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphine
Le débat sur la nature et le niveau des intérêts de retard est ancien : en 1986, le rapport de la Commission Aicardi avait préconisé l’institution d’un intérêt de retard unique pour tous les impôts qui serait fixé chaque année par la loi de finances par référence aux conditions du marché.
La première suggestion a été suivie, la réforme des pénalités fiscales consécutive à ce rapport prenant soin de bien distinguer l’intérêt de retard, réparant le préjudice subi par le Trésor du fait du paiement tardif de l’impôt, des sanctions fiscales proprement dites.
Le taux de l’intérêt de retard avait alors été fixé à 0,75 % par mois, soit 9 % par an, taux alors très proche du taux d’intérêt légal.
Toutefois, à compter du milieu des années 1990, les taux de marché ont nettement diminué et l’écart est allé grandissant entre le taux d’intérêt légal et le taux des intérêts de retard.
Il est alors devenu plus difficile de soutenir que celui-ci constituait la simple réparation d’un préjudice. Mais si ce taux pouvait s’apparenter à une sanction, celle-ci aurait dû être motivée, ce qu’elle n’était pas, et cette situation a pu conduire certaines juridictions à en prononcer la décharge1.
Le Conseil d’Etat2 et la Cour de cassation3 ont mis un frein à cette tendance en jugeant que le caractère dissuasif de l’intérêt de retard n’en faisait pas nécessairement une sanction. Au surplus, le Conseil d’Etat avait émis quelques doutes sur la pertinence d’une référence au taux d’intérêt légal comme reflet des taux pratiqués sur le marché.
Pour autant, conscient sans doute de la fragilité d’une telle situation, le législateur a ramené le taux des intérêts de retard à 4,80 % par an en 2005, laissant subsister un écart avec le taux d’intérêt légal puisque celui-ci était alors de 2,05 %. Le rapport était donc environ de 1 à 2 entre l’un et l’autre.