« Errare humanum est, perseverare diabolicum » : cet adage bien connu des étudiants en droit a été entendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Par un arrêt publié au Bulletin du 3 juillet 2024 (pourvoi n° 21-14.947), la chambre commerciale est enfin revenue sur l’une des conséquences les plus critiquées de l’arrêt Bootshop, rendu en assemblée plénière il y a près de vingt ans, le 6 octobre 2006 (pourvoi n° 05-13.255).
En permettant aux tiers à un contrat d’invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, sans pouvoir se voir opposer les limitations contractuelles en retour, l’arrêt Bootshop entraînait un affaiblissement injustifié des prévisions des parties (1). La chambre commerciale de la Cour de cassation revient donc heureusement sur l’une des conséquences les plus critiquées de cette jurisprudence (2), bien que certains contours de cette décision restent flous ; ils devront être éclaircis (3).
1. La confirmation de la possibilité pour un tiers d’agir contre un contractant sur un fondement délictuel
Afin de cerner l’enjeu de l’arrêt du 3 juillet 2024, il convient de revenir aux prémices de l’arrêt Bootshop, dont les apports principaux ont été confirmés par cet arrêt.
Avant l’arrêt Bootshop, la chambre commerciale et la première chambre civile de la Cour de cassation étaient divisées sur le point de savoir si le tiers à un contrat pouvait invoquer une faute contractuelle comme constituant ipso facto une faute délictuelle. La chambre commerciale n’autorisait les tiers à se prévaloir d’un manquement contractuel qu’à la condition qu’il constitue aussi la violation d’un devoir général de prudence et de diligence (Cass. com., 17 juin 1997 n° 95-14.535 ; Cass. com., 8 octobre 2002 n° 98-22.858). La première chambre civile, quant à elle, jugeait que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer tout manquement du débiteur contractuel lorsque ce manquement leur a causé un dommage, sans avoir d’autre preuve à rapporter » (Cass. civ. 1re, 18 juill. 2000 n° 99-12.135 ; Cass. civ. 1re, 13 févr. 2001 n° 99-13.589).
L’assemblée plénière de la Cour de cassation s’était réunie le 6...