Par deux arrêts ayant eu un fort retentissement, la Cour de cassation et la cour d’appel de Paris1 ont jugé que la manière dont fonctionnent les plateformes de mise en relation de clients avec des travailleurs indépendants remplit les critères qui, en droit français, caractérisent une relation de travail salarié.
Par Etienne Pujol, associé, et Stéphanie Fauconnier, collaboratrice, Andersen Tax & Legal/STCPartners
Pour autant, il ne faut pas que les donneurs d’ordres qui ne sont pas des plateformes considèrent que ces arrêts ne les concernent pas. Leur portée est beaucoup plus large et ce sont bien toutes les relations contractuelles conclues avec des travailleurs indépendants qui portent en elles le risque de requalification en salariat.
I. Les arrêts Take Eat Easy et Uber et leur portée
• Qu’est-ce qu’un contrat de travail ?
A ce jour, ni le contrat de travail ni sa composante essentielle, le lien de subordination, ne sont définis par le Code du travail…
C’est la jurisprudence qui, de manière constante, définit le contrat de travail comme un contrat par lequel une personne physique s’engage à travailler pour le compte d’une autre personne, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération. Quant au lien de subordination, il peut être résumé comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements, l’exercice de ce travail au sein d’un service organisé pouvant constituer un indice de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail2.
• Qu’est-ce qu’une plateforme numérique ?
Les plateformes numériques se présentent comme de simples intermédiaires entre un client et un prestataire de services. Pour autant qu’elles se contentent effectivement d’une mise en relation, laissant le prestataire libre de déterminer les modalités selon lesquelles la prestation de travail sera réalisée et le prix auquel elle le sera, le droit du travail n’a pas à en connaître : le prestataire est effectivement indépendant et peut, à ce titre, accepter ou refuser de réaliser la prestation. Le Code du travail prévoit d’ailleurs une présomption de non-subordination3.