La décision rendue le 12 janvier dernier par le tribunal correctionnel de Paris rappelle avec force que les faits de fraude fiscale doivent être appréciés strictement et qu’il ne peut y avoir de condamnation pénale pour fraude fiscale lorsqu’il y a un doute technique sur l’application de la loi fiscale. Le tribunal correctionnel refuse, par ailleurs, d’attendre la décision du juge de l’impôt pour statuer, ou de poser une question préjudicielle à ce dernier.
Par Catherine Cassan, avocat associée, PwC Société d’Avocats
Pour rappel, il était reproché aux héritiers du célèbre marchand d’art Daniel Wildenstein d’avoir minoré le montant de sa succession puis de celle de son fils, Alec Wildenstein, ouvertes respectivement en 2001 puis en 2008, en omettant de déclarer de nombreux biens détenus par l’interposition de trusts et d’entités notamment sis dans des paradis fiscaux.
Les héritiers, le notaire et conseils étaient ainsi poursuivis pour les délits de fraude fiscale, de blanchiment de fraude fiscale et complicité des mêmes faits.
Pour conclure, contre toute attente, à la relaxe le tribunal correctionnel a eu à trancher plusieurs questions de droit.
1. Le juge pénal n’est pas tenu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge de l’impôt
Tout d’abord, le tribunal a eu à répondre à la demande des prévenus qui demandaient que soit posée une question préjudicielle auprès du juge de l’impôt et qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision de celui-ci, demande fondée sur la réserve interprétative formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2016-545 QPC du 24 juin 2016 intervenue dans ce même dossier.
Dans cette décision le Conseil constitutionnel a en effet déclaré que les dispositions de l’article 1741 du CGI relatives à la fraude fiscale «ne sauraient, sans méconnaître le principe de nécessité des délits, permettre qu’un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond puisse être condamné pour fraude fiscale».
Sur la demande de question préjudicielle, le tribunal correctionnel se déclare pleinement compétent pour apprécier les délits de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale au regard de l’article 386 du code pénal.
S’agissant ensuite de la demande de sursis à statuer, le tribunal correctionnel reconnaît que la demande est fondée sur un moyen sérieux mais refuse cependant de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision du juge de l’impôt.