L’arrêt que vient de rendre la CJUE dans le dernier épisode de l’affaire du précompte1 clarifie tant pour les juridictions que pour les contribuables et leurs conseils les règles du renvoi préjudiciel.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Lorsque les décisions de cette juridiction ne sont pas susceptibles de recours le troisième alinéa de cet article fait obligation de saisir la Cour afin d’éviter que ne «s’établisse dans un Etat membre une jurisprudence nationale qui ne concorde pas avec le droit de l’Union»2.
A défaut, l’Etat membre dans lequel se trouve cette juridiction s’expose au risque d’être sanctionné en manquement à ses obligations résultant du Traité puisqu’il aura «privé la Cour de sa mission fondamentale […] qui est d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités»3.
Une juridiction ne peut donc se soustraire à cette obligation qu’en se prévalant de la notion d’«acte clair». Celle-ci a donné lieu à une abondante littérature et les juridictions nationales en font parfois un usage quelque peu extensif.
Ainsi, dans le souci de ménager une disposition de droit national qui pourrait être jugée contraire au droit communautaire, une juridiction nationale peut être tentée de se prononcer sur l’affaire qui lui est soumise sans poser une question préjudicielle dont la réponse risque de compromettre l’application de cette disposition.
C’est à une telle dérive que la CJUE, confirmant sa jurisprudence antérieure4, entend mettre fin par la décision qu’elle vient de rendre.
Comme le rappelle dans ses conclusions l’avocat général Wathelet, pour estimer à juste titre qu’elles sont en présence d’un «acte clair», les juridictions nationales doivent être convaincues «que la même évidence s’imposerait également aux juridictions des autres Etats membres et à la Cour».
Ce n’est que si ces conditions sont remplies «que cette juridiction nationale pourra s’abstenir de soumettre cette question à la cour et la résoudre sous sa propre responsabilité»5.
L’obligation de saisir la Cour s’imposera notamment quand il s’agira d’interpréter un précédent arrêt de celle-ci et ceci même si cet arrêt a été rendu pour l’application d’une disposition comparable applicable dans un autre Etat membre.