- Ouverture
- L’arbitrage : un accélérateur de confiance dans les pays en développement
- Transparence, impartialité et indépendance des contrôles de conformité : les nombreux défis de l’arbitrage international…
- Contentieux fiscaux dans un contexte budgétaire serré
- Tendances et évolutions en matière de contentieux RSE et de justice environnementale
- Les modes alternatifs de règlement des différends au service des intérêts stratégiques et économiques des entreprises
- Financement du contentieux : quelles tendances et évolutions en France et en Europe ?
- Le litigation finance, quel intérêt pour les investisseurs ?
- Les effets de la crise sanitaire sur le contrôle des concentrations et les investissements étrangers
Ouverture
Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, a souligné en ouverture de la conférence « l’importance, pour les praticiens de l’arbitrage et du contentieux, de la bonne compréhension des règles relatives aux politiques de conformité et de leur respect scrupuleux », notamment en raison de la croissance des procédures contentieuses et arbitrales découlant du non-respect des principes éthiques. Selon l’ancien Premier ministre, « la conformité est devenue un élément structurant de la globalisation de l’économie » en ce qu’elle apporte « une réponse claire aux éventuelles distorsions de concurrence résultant parfois du contournement, par certaines entreprises, des règles de droit auxquelles elles sont censées se conformer ».
Bernard Cazeneuve rappelle qu’en arbitrage commercial, bien que les procédures soient confidentielles, il existe depuis un certain temps un contentieux opposant des sociétés internationales à leurs anciens agents commerciaux soupçonnés de manquements aux devoirs éthiques lors de l’obtention des contrats commerciaux. De même, en arbitrage d’investissement, un moyen de défense relatif à l’illégalité de l’investissement, appelé « clean hands doctrine », s’est développé pour empêcher un investisseur de bénéficier d’un investissement obtenu de manière illicite…
La conformité a ainsi une place prégnante dans le contentieux. Il est donc fondamental pour les praticiens du contentieux et de l’arbitrage de connaître les principaux textes en la matière et de suivre scrupuleusement leurs évolutions.
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L’arbitrage : un accélérateur de confiance dans les pays en développement
L’ouverture économique des pays en développement et plus particulièrement celle du continent africain ont entraîné une hausse conséquente du nombre de contentieux portés devant la Chambre de commerce internationale. Plusieurs entreprises ont recours à l’arbitrage, accélérateur de confiance pour les Etats et les partenaires commerciaux, pour résoudre les litiges relatifs aux transactions internationales.
Selon Eric Amar, general counsel chez Bolloré Transport & Logistics, « l’arbitrage est devenu depuis des années un mode de résolution des conflits d’affaires primordial dont l’exécution nécessite encore des efforts et des progrès ». Il a permis, comme le souligne Laurent Jaeger, président de la commission arbitrage chez ICC France, à « l’investissement étranger de se développer dans certains pays, car il est le seul à offrir la possibilité de recourir à une juridiction indépendante de l’Etat » grâce aux nombreux traités bilatéraux et internationaux conclus entre Etats. A titre d’exemple, les procédures CIRDI ont connu une hausse considérable, passant de 2 à 58 entre la fin des années 1990 et l’année 2020.
T. Alexander Brabant, associé chez DLA Piper, précise qu’en matière d’arbitrage, les expériences sont diverses et variées selon que l’on est au Maghreb, en Afrique australe, orientale ou du Sud. « Dans un continent aussi protéiforme que l’Afrique, l’arbitrage offre une plateforme cohérente et représente un vecteur de sécurité juridique pour l’investisseur. » Il est essentiel, comme l’explique Sophie Deis-Beauquesne, directrice juridique – international de Vinci, que « les fondamentaux de l’arbitrage soient bien présents dans les pays en développement : célérité, confidentialité, choix des arbitres, impartialité, etc. » pour accélérer la confiance des investisseurs étrangers envers ces pays.
«L’arbitrage est le seul à offrir la possibilité de recourir à une juridiction indépendante de l’Etat.»
Par ailleurs, s’agissant des modalités pratiques de l’arbitrage, les panélistes insistent sur l’importance du choix du siège et du droit applicable. Pour T. Alexander Brabant, le premier ne doit pas se faire au détriment du second au vu de l’incidence que peut avoir le choix du siège, qui comprend à la fois l’application de règles locales, le juge d’appui et le juge chargé du recours d’annulation contre la sentence.
En outre, sur la question du risque de judiciarisation des procédures arbitrales, Sophie Deis-Beauquesne explique que ce dernier peut générer un manque de sécurité juridique et économique qui se manifeste selon elle par « l’invalidation des clauses arbitrales, la réévaluation des litiges par le juge local et les difficultés d’exequatur ». Le risque majeur est celui d’une mauvaise appropriation du principe compétence-compétence en dépit de sa reconnaissance dans une majeure partie de pays en développement signataires des divers traités. En complément, T. Alexander Brabant précise qu’« en dépit d’une évolution positive rassurante qui résulte de la prolifération des institutions arbitrales, la pratique arbitrale continue de s’exercer de pair avec une activité judiciaire locale ».
Les panélistes rappellent en conclusion l’importance de la formation, des échanges de connaissances et des pratiques au travers du développement de partenariats entre entreprises et universités dans les Etats d’accueil, notamment en Ohada, dans l’essor de l’arbitrage international dans les pays en développement.
«Dans un continent aussi protéiforme que l’Afrique, l’arbitrage offre une plateforme cohérente et représente un vecteur de sécurité juridique pour l’investisseur. »
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Transparence, impartialité et indépendance des contrôles de conformité : les nombreux défis de l’arbitrage international…
L’émergence de la conformité réglementaire a créé de nouvelles obligations pour les entreprises : veilles réglementaires, contrôles des processus, cartographie des risques, etc. Confrontées à la question de l’arbitrage international, ces obligations de conformité présentent de nombreux risques et défis.
La loi Sapin II résulte d’un contexte global qui semblait propice. Selon Michel Sapin, ancien ministre de l’Economie et des Finances, « le jugement porté par l’extérieur sur le socle législatif français de la lutte contre la corruption était devenu très négatif ». Les entreprises françaises étaient donc demandeuses de plus de réglementations, de contrôles et de mécanismes de prévention. Il y avait également un risque avéré d’extra-territorialité.
«On observe un certain changement dans la pratique de l’arbitrage en termes de confiden-tialité et de production de documents.»
Salvator Erba, sous-directeur du contrôle à l’Agence française anticorruption, précise qu’« il y a derrière la loi Sapin II un fort enjeu d’attractivité, de compétitivité, de souveraineté économique et judiciaire ainsi qu’une nécessité de crédibiliser le dispositif français ». Il ajoute que « les deux grandes affaires que sont Société Générale et Airbus ont montré que les transactions pénales coordonnées ont permis d’atteindre des résultats plus rapidement que nous l’espérions ». La Loi Sapin II a ainsi permis, notamment en créant l’AFA, de crédibiliser le modèle français en définissant les exigences et en se donnant les moyens de les contrôler. Selon Michel Sapin, « l’approche française préventive, qui a pour spécificité d’introduire des programmes de compliance, est protectrice des entreprises, ce qui a des conséquences y compris au niveau de l’arbitrage ».
Michael Ostrove, partner – global co-chair of international arbitration chez DLA Piper, met en exergue l’évolution du traitement de la corruption en arbitrage. « La corruption est aujourd’hui perçue comme une violation de l’ordre public international ». Il évoque également « un certain changement dans la pratique de l’arbitrage en termes de confidentialité et de production de documents ».
Par ailleurs, Virginie Liautaud, head of compliance chez Ericsson, explique que « les contrôles de conformité ont beaucoup évolué depuis les 5-10 dernières années, ce qui nécessite une analyse des faits a posteriori, notamment par le biais des red flags ». Aussi, « avant de lancer une procédure, il y a une coordination à faire avec les équipes compliance pour vérifier les conditions d’obtention du contrat ». L’entreprise se doit donc d’analyser le contexte et les tiers impliqués
«L’approche française préventive, qui a pour spécificité d’introduire des programmes de compliance, est protectrice des entreprises, ce qui a des conséquences y compris au niveau de l’arbitrage. »
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Contentieux fiscaux dans un contexte budgétaire serré
La plupart des pays connaissent une forte croissance de leur dette publique. En effet, selon Hervé Goulletquer, senior economic advisor chez Accuracy, « bien que les soldes budgétaires portent la trace des mouvements du cycle conjoncturel, nous constatons une forte dégradation avec un déficit qui tend à augmenter ». Dans ces conditions, le ratio dette publique/PIB est orienté à la hausse.
Le sujet prédominant en matière de fiscalité internationale est l’allocation des marges des groupes multinationaux entre les différents pays en raison du poids important des profits dans la richesse créée. Cette allocation est influencée par les « prix de transfert », ce qui s’explique par « l’évolution des règles de taxation des entreprises notamment avec la réforme de l’OCDE, présentée comme une “révolution fiscale” soutenue par les Etats-Unis et faisant consensus auprès de l’ensemble des pays », explique Hervé Goulletquer.
«Avec le projet G20/OCDE, la fiscalité internationale sera désormais à deux vitesses.»
Dans ce contexte, les contentieux fiscaux, notamment ceux impliquant les grandes entreprises multinationales, vont s’accroître, partout dans le monde. Ils seront d’autant plus délicats à gérer que le nouvel environnement fiscal est en train de changer et n’est sans doute pas encore stabilisé. Comme le constate Sébastien Gonnet, partner chez Accuracy, « le sujet fiscal se complexifie avec les enjeux de transparence accrue et certains risques connexes, notamment en matière pénale. Leur pratique fiscale devient ainsi un élément clé de leur responsabilité sociale au sens large ».
Pour conclure, Hervé Goulletquer note qu’ « avec le projet G20/OCDE, la fiscalité internationale sera désormais à deux vitesses. Les géants planétaires seront soumis à des règles spécifiques et bénéficieront, peut-être, de plus de sécurité juridique, tandis que les autres entreprises demeureront dans l’incertitude et le risque. »
«La pratique fiscale devient un élément clé de la responsabilité sociale au sens large.»
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Tendances et évolutions en matière de contentieux RSE et de justice environnementale
Nous assistons à une montée en puissance des attentes de la société civile sur la façon dont les entreprises gèrent les risques RSE et environnementaux. Comme le note Béatrice Parance, professeur de droit privé à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, « le contentieux RSE, devenu stratégique, constitue une véritable arme entre les mains des associations ». Ce contentieux est très protéiforme et se manifeste tant devant les juridictions administrative et civile que pénale.
Sur le volet administratif, Gabriel Touchard, responsable juridique offshore wind/ethic & compliance officer chez Engie, indique qu’il « est confronté de manière quotidienne à la nécessité de faire accepter les différents projets d’énergies renouvelables. Les projets ENR français font l’objet d’une décision administrative, à savoir l’autorisation environnementale moyennant des conditions et le respect d’un processus de dialogue ».
«La loi sur le devoir de vigilance a créé deux nouveaux types de contentieux : le contentieux en responsabilité civile et le contentieux de l’injonction. »
Les entreprises étant sous le viseur des ONG, le rôle du juge va être de faire des arbitrages en tenant compte du droit et de la technique, voire de l’idéologie. Pour illustrer cela, Stéphanie Smatt-Pinelli, directrice juridique règlement des différends groupe chez Orano, cite la condamnation, en application de la jurisprudence climatique, du groupe pétrolier Shell par la cour de district de La Haye à réduire de 45 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. « Nous assistons à une translation des obligations qui incombaient jusqu’à présent à l’Etat, donc aux tribunaux administratifs, vers une obligation qui incomberait aux entreprises » qui deviennent actrices à part entière de la protection et de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous trouvons, poursuit-elle, « les fondements d’une telle décision dans les Accords de Paris, dans les engagements informels pris par l’entreprise ainsi que dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ». Pour Stéphanie Smatt-Pinelli, « nous assistons à une objectivisation de la responsabilité qui conduira à une obligation climatique de prévention ». A ce titre, Jean-Baptiste Charpentier, directeur de la conformité chez Veolia, rappelle que « la compliance consiste à transférer des activités de l’Etat vers des acteurs privés ». Cette translation tend à transformer des acteurs privés en acteurs du service public. Jean-Baptiste Charpentier explique que l’une de ses principales missions a été de « rattacher les droits humains et la conformité environnementale à la direction de la conformité, là où ils étaient traités auparavant par la direction du développement durable, ce qui relève d’une autre approche ».
Loi sur le devoir de vigilance : quel impact ?
Par ailleurs, Marie-Aude Ziadé, associée fondatrice du cabinet Fierville Ziadé, montre qu’en matière de contentieux environnemental, il existe deux grandes incitations pour les entreprises. D’une part, l’incitation financière avec le choix désormais des grands investisseurs d’investir uniquement dans des entreprises engagées en matière de RSE. D’autre part, une incitation législative, avec une multiplication des textes en droit pénal mais aussi en droit civil avec la loi sur le devoir de vigilance. « Cette loi a créé deux nouveaux types de contentieux : le contentieux de l’injonction auquel un certain nombre d’entreprises françaises sont déjà confrontées devant le juge consulaire ou judiciaire et le contentieux en responsabilité civile. » Ces contentieux soulèvent, selon l’avocate, des questions transverses : « que recouvre le devoir de vigilance notamment en matière des droits humains ? », « qui peut aller demander aux entreprises d’être redevables de ce devoir de vigilance ? », « quelle est la compétence du juge ? », questions auxquelles les entreprises doivent dorénavant faire extrêmement attention.
«Nous assistons à une translation des obligations qui incombaient jusqu’à présent à l’Etat, donc aux tribunaux administratifs, vers une obligation qui incomberait aux entreprises.»
Les modes alternatifs de règlement des différends au service des intérêts stratégiques et économiques des entreprises
Le contexte sanitaire actuel, qui impose une certaine adaptabilité et flexibilité, les réformes en faveur de l’arbitrage ainsi que les nombreuses initiatives au profit du développement de la médiation favorisent l’essor des modes alternatifs de règlement des différends (MARD).
Pour Matthias Fekl, co-fondateur d’Equanim International, « dans une économie globalisée avec des problématiques de plus en plus complexes, les entreprises ont besoin d’avoir un forum adapté à la réalité du litige ». Les MARD qui s’intègrent progressivement dans la démarche globale de justice économique « répondent aux nouveaux besoins des acteurs économiques : confidentialité, gains en temps et en coût, réduction des aléas et forts taux de réussite et d’exécution » selon Nicolas Mohr, directeur général de la médiation des entreprises au ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance. Par exemple, « une médiation dure en moyenne une quinzaine d’heures et les délais de l’arbitrage se situent autour de 20 mois » précise Sophie Henry, déléguée générale du CMAP. Sur la maîtrise des coûts, elle souligne que le « coût moyen d’une médiation est de 10 000 euros et celui d’un arbitrage est de 100 000 euros » ce qui demeure très en deçà d’une procédure judiciaire classique. Ces nombreux avantages expliquent la croissance significative de l’activité des MARD en particulier depuis le début de la crise sanitaire avec « plus de 3 500 demandes de médiation, soit quatre fois plus qu’en 2019 », souligne Nicolas Mohr. Il ajoute que le « taux de succès de la médiation est de 70 % », ce qui montre qu’il est possible de parvenir à un accord mutuellement satisfaisant à partir de positions radicalement opposées.
«Il est très important de proposer un monitoring de la mise en œuvre des accords de médiation et d’arbitrage.»
Pour conclure, en matière d’exécution des accords relatifs aux MARD, Matthias Fekl distingue l’arbitrage de la médiation. « En arbitrage, les modalités d’exécution sont très cadrées par les dispositifs mis en place par la Convention de New York car il y a un système juridique international qui permet l’opposabilité et le caractère exécutoire des sentences. » L’exécution de la médiation est quant à elle différente car « l’accord de médiation convient par définition aux parties ». Il est donc très important, conclut-il, de « proposer un monitoring de la mise en œuvre des accords de médiation et d’arbitrage ».
«Une médiation dure en moyenne une quinzaine d’heures et les délais de l’arbitrage se situent autour de 20 mois.»
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Financement du contentieux : quelles tendances et évolutions en France et en Europe ?
Très répandu dans les pays anglo-saxons, « le financement du contentieux gagne peu à peu les pays de droit civil en raison de l’évolution des mentalités des avocats, des parties financées et du législateur qui, dans certains pays européens, intègrent de plus en plus l’idée de la présence d’un financeur », explique Paul de Beauchef de Servigny, investment manager - litigation finance chez IVO Capital Partners.
Cette pratique a beaucoup évolué depuis les 5 à 10 dernières années grâce aux lois édictées par plusieurs pays. Pour Yasmin Mohammad, directrice chez Fortress Investment Group, « le tiers financement tel que nous le connaissons aujourd’hui s’est véritablement développé dans le sillage de l’arbitrage d’investissement ». Ce dernier implique des montants de demandes ainsi que des frais d’avocats, d’arbitres et d’experts élevés, ce qui nécessite de faire appel à un tiers financeur. Yasmin Mohamad constate que « les litiges qui sont financés sont ceux avec des dommages et intérêts élevés ». Pour Patrick Noonan, ancien secrétaire général de Nexans et arbitre, « le financement du contentieux représente un potentiel d’accès à la justice pour les réclamations méritantes qui autrement n’auraient pas été poursuivies ».
Concernant l’évaluation des dossiers, les panélistes insistent sur l’importance de passer du temps avec toutes les parties impliquées dans le contentieux, de ne pas se priver de ressources importantes, d’experts légaux lorsque l’on touche à des sujets nouveaux ou particulièrement techniques. « Une des clés de réussite d’un financement est de ne pas s’exposer à des attaques sur de possibles conflits d’intérêts ou sur le non-respect du secret professionnel. C’est l’importance du triangle avocat – plaignant – financeur », conclut Paul de Beauchef de Servigny.
«Une des clés de réussite d’un financement est de ne pas s’exposer à des attaques sur de possibles conflits d’intérêts ou sur le non-respect du secret professionnel. C’est l’importance du triangle avocat – plaignant – financeur.»
Le litigation finance, quel intérêt pour les investisseurs ?
Société de gestion spécialisée dans la dette d’entreprise cotée et non cotée, IVO Capital Partners est l’un des rares financeurs actifs sur le financement de contentieux en France avec près de 100 millions de dollars déployés depuis 2013. Alors que la société s’apprête à lancer un nouveau fonds, Paul de Servigny, directeur d’investissement, témoigne de l’intérêt pour les investisseurs de cette classe d’actifs en plein essor.
Des rendements élevés
Les rendements de la classe d’actifs sont élevés, proches de ceux du private equity, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, le financement n’est justifié qu’en présence de dommages et intérêts significatifs, vis-à-vis du montant à financer, afin d’en supporter le coût. Ensuite, il n’existe actuellement pas de financement bancaire pour cette classe d’actifs, financer un procès sans aucune garantie n’étant pas dans l’ADN des banques. Enfin, il existe une asymétrie importante entre le coût de la procédure financée (principalement frais d’avocat, d’expertise et de procédure) et le gain potentiel issu du contentieux, le coût d’une action dépendant davantage de sa complexité que du montant de la demande. Pour le vintage de transactions réalisées par IVO entre 2013 et 2015, les performances réalisées varient entre 8 %
et 12 % de TRI net.
Une classe d’actifs parfaitement décorrélée
Les deux dernières années ont montré que, lorsque l’économie était touchée par un choc exogène, l’ensemble des classes d’actifs souffraient. Or, l’issue d’une procédure judiciaire n’est en rien impactée par une décision politique, une évolution des taux d’intérêt ou toute autre variable macroéconomique. Parallèlement, il n’existe aucune corrélation entre les contentieux qui composent le portefeuille d’un fonds. C’est donc par définition ce qui se fait de mieux en matière de décorrélation et de diversification.
Le marché de l’assurance
L’outil assurantiel permet en outre d’offrir une protection du capital aux investisseurs. Il peut également fournir une maturité à l’image d’une obligation classique : lorsqu’un cas n’est pas débouclé après un certain nombre d’années, dans le format proposé par les fonds gérés par IVO, le capital est restitué aux investisseurs par l’assureur. Ceci leur permet d’avoir une visibilité sur leurs cash-flows. Ainsi, pendant que les marchés étaient asséchés en 2021, des distributions issues de contentieux débouclés (gagnants ou perdants) ont été réalisées au bénéfice des investisseurs.
Les effets de la crise sanitaire sur le contrôle des concentrations et les investissements étrangers
En 2020, le contexte mondial a conduit à un recul des activités de M&A avec une diminution de 42 % dans le monde du volume des investissements directs à l’étranger, rappelle David Chekroun, professeur de droit à l’ESCP Business School. La Covid-19 a eu des conséquences sur la régulation des fusions-acquisitions. Pour Etienne Chantrel, chef du service des concentrations à l’Autorité de la concurrence, « nous voyons cela à travers les décisions sur les demandes d’autorisation de concentrations » qui ont baissé en 2020. « Nous étions à 270 en 2019 et à 195 en 2020. L’année 2021 a battu tous les records avec 272 décisions. » Cette baisse concerne les opérations dites simples, les opérations complexes sont, quant à elles, restées au même niveau.
S’agissant du contrôle des IEF, Marie-Anne Lavergne, cheffe du bureau en charge du contrôle des investissements étrangers en France à la direction générale du Trésor, fait un constat différent : « Nous n’avons pas eu de baisse d’opérations contrôlées en 2020, nous avons eu 216 opérations soumises au contrôle en 2019 et 275 en 2020, ce qui représente une hausse de 27 %. » L’activité très soutenue durant les trois dernières années s’explique par deux événements concomitants selon Marie-Anne Lavergne. D’une part, l’entrée en vigueur en avril 2020 de la réforme du contrôle des investissements étrangers issue de la loi Pacte de 2019 qui avait étendu le périmètre du contrôle. D’autre part, la crise sanitaire qui a eu un impact sur l’activité M&A et sur le renforcement du contrôle du fait des nouveaux risques pour la sécurité publique. Par exemple, « entre 2020 et 2021, le nombre d’opérations de contrôle dans le secteur des biotechnologies a doublé ». Au niveau européen, la tendance est similaire « en 2021, 18 Etats membres sur 27 se sont dotés d’un mécanisme national de filtrage des IEF contre 11 en 2017 ».
Etienne Chantrel souligne en conclusion que « la Covid-19 a exacerbé les évolutions et encouragé des réformes déjà en cours (ex. : allégement des procédures, notifications en ligne, redéfinition des marchés pertinents, etc.) aux niveaux français et européen ».