Le gouvernement a forcé l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques par un troisième recours à l’article 49-3 de la Constitution. Rétablie dans la rédaction initialement arrêtée par l’Assemblée nationale, la loi maintient non seulement la possibilité d’une cession forcée des titres des actionnaires s’opposant au plan de redressement mais également la dilution de leur participation supprimée par le Sénat, en dépit de ses difficultés de mise en œuvre.
Par Emilie Haroche, avocat of counsel, Herbert Smith Freehills
La loi Macron tend à neutraliser le pouvoir d’opposition d’actionnaires qui empêcheraient l’adoption d’un plan de redressement en refusant tout à la fois de souscrire à une augmentation de capital permettant de sauver l’entreprise, et d’en perdre le contrôle en laissant un tiers y souscrire ou en cédant leurs titres. Le mécanisme permet au tribunal d’ordonner la cession forcée des titres d’actionnaires majoritaires ou disposant d’une minorité de blocage, ou de leur imposer une augmentation de capital diluant leur participation.
Il y est en effet prévu que l’administrateur judiciaire puisse s’affranchir du rejet du plan de redressement prévoyant une augmentation de capital par l’assemblée générale des actionnaires à laquelle il est soumis et solliciter du tribunal la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de voter en faveur du plan se substituant ainsi aux actionnaires «ayant refusé la modification de capital». Alternativement, le tribunal pourrait sanctionner ces derniers en ordonnant la cession de tout ou partie de leur participation en contrepartie du paiement d’un prix déterminé à dire d’expert en l’absence d’accord entre les parties.
L’éviction est encadrée par plusieurs conditions qui dessinent les contours d’un champ d’application en apparence étroit.
1. La prévalence du critère social sur le critère économique
La possibilité d’éviction s’appliquera, à toute entreprise d’au moins 150 salariés ou «dominante», au sens de l’article L. 2331-1 du Code du travail, d’une ou plusieurs entreprises dont l’effectif total est d’au moins 150 salariés, ce qui constitue le critère de constitution d’un comité de groupe. Selon cette...